L’association Passe-moi le relais met en place des projets de partenariat entre les villes de Tourcoing et de Bangui en Centrafrique. Sa présidente Armande Love Malepa a beaucoup à nous apprendre de la situation de son pays d’origine, notamment suite aux récents enlèvements qui y ont été perpétrés.
«Notre association met en place, dans les écoles et les maisons des jeunes des huit arrondissements de Bangui, des ateliers culturels et de loisirs sous la forme de thérapies ludiques pour les enfants centrafricains victimes des traumatismes de la guerre.» En effet, la Centrafrique ne dispose pas des structures d’accompagnement ou de psychologues pouvant aider ce public vulnérable à surmonter un quotidien parfois très choquant.
Autour d’Armande Love Malepa, une équipe partira en mission à Bangui le 24 février prochain, à l’image du groupe lillois «Chancelor & the bamara» qui animera des ateliers d’écriture et de chant. Seront aussi proposés un atelier dessin et peinture, nommé « Dessine-moi la paix » et un autre de danse traditionnelle et percussions. Suite aux récentes prises d’otages à Bangui, notamment d’une humanitaire française de 67 ans, la présidente a sondé ses intervenants. «Je me suis demandée si leur venue pouvait être remise en cause. Tout le monde a souhaité maintenir son engagement, estimant que ce type d’événement est malheureusement quelque chose de courant dans un pays post-conflit.»
Œuvrer en France aussi
L’association se veut créatrice de liens qui profitent aux jeunesses centrafricaine et française. Un travail de sensibilisation a été mené pendant la semaine de la solidarité internationale au lycée Le Corbusier qui a permis de recueillir 23 kilos de fournitures scolaires pour les enfants centrafricains.
En outre, des partenariats commencent à se mettre en place entre des établissements scolaires français et centrafricains, notamment sous la forme de correspondances. À Tourcoing, les pionniers sont l’école Saint-Matthieu et le lycée Le Corbusier. «On cherche à favoriser l’échange direct, à faire de l’humanitaire doublé d’une perspective de coopération.» Et dans les débats actuels sur l’éducation, la présidente a quelques pistes de solutions à proposer: «Quand je projette, pour des lycéens français, un documentaire tourné au Congo Brazzaville qui met en perspective l’importance de l’éducation pour les jeunes, un éveil des consciences se produit. Les jeunes français se rendent compte de la chance qu’ils ont d’accéder aussi facilement au savoir, et de l’opportunité que constitue l’école.»
Un avis éclairé sur la situation centrafricaine
«Arrêtons de parler de milices chrétiennes !», s’insurge Armande Love Malepa, même si les médias français les plus sérieux utilisent ce vocable. «La milice anti-balaka ne tue pas au nom du Christ, compte des athées et tue aussi des chrétiens !» De même, les sélékas ne sont-ils pas tous musulmans, selon la présidente de l’association. «On assiste à une manipulation visant à capter l’attention du grand public. On recherche le sensationnalisme, on veut donner du conflit en Centrafrique l’image d’une guerre communautaire, ce qui est faux et attise la haine, l’ignorance et la peur de l’autre.»
La militante estime que la question à se poser, celle qui est posée par les ONG présentes sur place aux différents groupes impliqués, n’est autre qu’«à qui profite la guerre ?» «Ceux qui fabriquent les armes doivent bien les écouler sur un marché. Ça sert leurs intérêts de monter les gens les uns contre les autres. Si on regarde la carte des pays en guerre en Afrique, on s’aperçoit que tous le sont en raison des richesses qu’abritent leurs sous-sols. Les rebellions sont alimentées par les multinationales pour leur propre intérêt.»
Une fragile stabilité
«Il n’y a pas eu de signes avant-coureurs des enlèvements qui ont eu lieu. Mais ils surviennent après l’arrestation d’un leader anti-balaka. Les otages servent vraisemblabement à faire pression et à détenir une monnaie d’échange», analyse la Tourquennoise.
Sur le plan général, elle estime que le pays reste fragilisé avec des poches de rebellion encore très actives dans l’arrière-pays, mais qu’au niveau de la capitale, un «calme relatif», régnait jusque là. «Pour le moment, le pays est aux mains d’un gouvernement de transition qui est dépendant de la communauté internationale et qui n’a pas les moyens de mettre en place sa propre politique. Sa priorité, c’est de maintenir une certaine sécurité. Ce n’est qu’après les élections, qui doivent se tenir en août prochain que peut-être, l’État retrouvera une nouvelle légitimité.» En attendant, la jeunesse centrafricaine se sent «abandonnée, sans avenir, s’accroche à l’espoir et vit au jour le jour»...