En déployant les troupes françaises en République centrafricaine (RCA) fin 2013, François Hollande avait promis une Blitz Krieg (guerre-éclair) à l’issue de laquelle ses troupes anéantiraient les rebelles de la Séléka.
Une assurance démesurée qui a barré la voie à une solution politique. Seulement, sur le terrain, les choses ont tourné court ! Les Français de Sangaris assistent impuissants aux manœuvres des Anti-Balakas qui ont pris le dessus sur les Séléka. Le Tchad, principal allié de Paris, a décidé de rapatrier ses troupes. Laissant les Sangaris dans une situation des plus inconfortables !
La France a démarré son expédition Centrafricaine avec une campagne de médiamensonges. François Hollande a évoqué un « impératif humanitaire » pour justifier l’envoi de 1600 soldats en République centrafricaine. Portant à 2000 le nombre de militaires tricolores dans ce pays d’Afrique centrale. M. Hollande et son ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian avaient un seul slogan mensonger : « Nos forces n’ont pas vocation à demeurer en Centrafrique ».
Le mensonge était d’autant plus grossier que l’opération Sangaris était prévue pour durer, malgré les dénégations du président Hollande. Le déploiement des forces françaises s’inscrivait et s’inscrit toujours dans le sillage de la mise en application du Rapport Védrine commandé par l’Elysée pour permettre à la France de reprendre la main sur son pré carré. La 15ème proposition du Rapport commis par l’ancien ministre des Affaires étrangères était claire : « Renforcer la présence française en Afrique ». Présence supplantée par celle des Chinois et autres puissantes émergentes.
Pour Hollande et Le Drian, la victoire militaire qui devait consolider la présence française était évidente. Seulement cette assurance théorique disproportionnée a exclu tout recours à une solution négociée avec le président Bozizé qui avait pourtant multiplié les signes d’ouverture. Respectant les Accords de Libreville de janvier 2013, M. Bozizé a accepté l’avocat et opposant Nicolas Tchangaye comme Premier ministre. Ce mélange contre-nature avec un opposant chargé d’appliquer la politique définie par le président rival a explosé aussitôt ; tel un cocktail Molotov ! Ouvrant la voix aux rebelles de la Séléka, mais surtout à la France venue en sapeur pompier pour éteindre un feu qu’elle a travaillé à attiser.
Officiellement, l’intervention française en RCA avait un seul objectif d’après François Hollande : « aider un peuple qui souffre ». Le président français était allé plus loin dans les médiamensonges en déclarant en décembre 2013 que « nos troupes doivent être fières d’intervenir dans un pays où nous n’avons pas d’intérêts ». Cinq mois après son déclenchement, est-il trop tôt pour faire le bilan de l’Opération Sangaris ? La récurrence des exactions et la multiplication des mensonges made in Paris n’obligent-elles pas une pause – bilan ?
En effet, le 26 mars 2014, occultant la dégradation des conditions de vie en Centrafrique, le quotidien Libération a publié une Tribune pour le moins négationniste, signée par quatre ambassadeurs français. François Scheer, Loïc Hennekinne, Daniel Lequertier et Philippe Faure y affirment : « L’action de la France au Mali, unanimement saluée, a permis de repousser la prise en main du pays par les groupes terroristes. En Centrafrique, son action a évité des massacres de masse et a contribué, aux côtés des forces africaines et dans l’attente de l’opération de l’ONU, à stabiliser la situation ».
L’intervention française n’a pas mis un terme aux violences en RCA
S’il n’est pas juste de dire que l’action française n’a rien apporté sur le théâtre de guerre, n’est-il pas mensonger d’affirmer que la France a permis d’« éviter des massacres de masses » en Centrafrique ? Les quatre diplomates vont plus loin dans les médiamensonges en affirmant sans précaution que l’option militaire a eu le mérite de « stabiliser la situation ». Pourtant, la réalité sur le terrain est bien plus grave.
Selon les Nations unies, le conflit a fait plusieurs centaines de morts et 1,5 millions de déplacés. Les musulmans et les Sélékas fuient le pays par vagues successives pour échapper aux menaces des Anti-Balakas, majoritairement chrétiens et pro-Bozizé (ce dernier était d’ailleurs pasteur d’une église de réveil). S’il règne un calme précaire dans la capitale Bangui, les villes et villages de la RCA sont devenus de véritables no man’s land.
Les morts s’y comptent par dizaines, par centaines… Tous les pays ont évacué leurs ressortissants. Dans un entretien accordé le 10 mai au quotidien français Le Monde, la présidente de transition Catherine Samba Panza a reconnu le chaos qui régnait toujours dans son pays.
La situation est d’autant plus grave que le Cameroun qui partage une longue frontière terrestre avec la RCA n’en peut plus des réfugiés centrafricains. Le président camerounais Paul Biya a d’ailleurs créé une commission chargée de gérer les flux migratoires dus à la crise qui s’enlise chez son voisin. Les organisations dites non gouvernementales (ONG) multiplient les alertes. Bref, la mort est toujours omniprésente en RCA.
Pourquoi les troupes européennes et françaises se cantonnent à Bangui
Avant le déclenchement de la guerre, la France comptait déjà 400 militaires en RCA. Ces derniers étaient curieusement stationnés à l’aéroport de Bangui M’Poko. Les 1600 soldats de l’Opération Sangaris ont rejoint leurs compagnons d’armes à M’Poko. Dans ce pays qui représente la superficie de la France et Belgique réunies, 622 980 km², la France dispose des blindés, des hélicoptères de combat et des fantassins. Plusieurs sources concordantes indiquent que l’aéroport de Bangui a été bâti sur un véritable scandale géologique, regorgeant d’importantes pierres précieuses, principalement le diamant. Ceci expliquant cela, on peut comprendre pourquoi les différentes autorités qui se sont succédé à l’Elysée ont tenu à maintenir les troupes françaises sur l’aéroport d’un pays pourtant dit indépendant depuis 1960.
Tout comme les troupes Sangaris, la force européenne en RCA a elle aussi choisi de s’installer à l’aéroport de Bangui. « Composée d’environ 150 hommes – 800 à terme – Eufor-RCA sera chargée de sécuriser l’aéroport de Bangui et deux autres quartiers de la capitale durant les 6 mois que durera son mandat » révèle l’hebdomadaire Jeune Afrique sur son site Internet (12/5/2014). On se serait attendu à ce que la priorité soit accordée au quartier Pk-12 et PK-5 où les exactions sont monnaie courante !
En RCA, Deby sème la terreur et s’en va !
Le 28 mars 2014, les troupes tchadiennes ont été accusées d’avoir ouvert le feu sur des civils au quartier PK-12. Face à la condamnation planétaire de cette bavure de trop, le président tchadien, relais par excellence de la Françafrique en Afrique centrale depuis la mort d’Omar Bongo, a décidé de renvoyer ses troupes au pays. Le samedi 5 avril 2014, tous les 850 soldats tchadiens ont quitté la RCA. Ce qui n’a pas été suffisamment rappelé, c’est que le rejet de la force tchadienne en RCA était déjà perceptible avant l’incident du quartier PK-12. Au fur et à mesure que durait la crise, les Centrafricains comprenaient progressivement que leur malheur vient en bonne partie du Tchad. Et Idriss Deby n’a rien fait pour apporter la preuve du contraire.
Comme pour confirmer ces soupçons, Idriss Deby avait lancé courant mai 2013 une offensive diplomatique auprès des présidents de la Communauté Economique et Monétaire des Etats de l’Afrique centrale (CEMAC). Ce qui a permis au chef rebelle Michel Djotodia d’être reçu par plusieurs chefs d’Etat (Ali Bongo, Sassou Nguesso, Obiang Nguema Batsogo) qui avaient été préalablement contactés par M. Deby et/ou son entourage.
Le 18 mai par exemple, Michel Djotodia a d’ailleurs profité de sa visite officielle en Guinée Equatoriale pour donner sa première et dernière conférence de presse panafricaine en tant que président de la Centrafrique. Au Centre de conférences de Sipopo, face à la quarantaine de journalistes issus de plusieurs pays africains, l’éphémère président centrafricain n’a pas oublié de remercier Idriss Deby pour ce qu’il a appelé « son soutien tous azimuts ». Une reconnaissance qui était en réalité un aveu de l’implication du Tchad de Deby dans ce qui se passe actuellement en RCA.
Par une sorte de ruse de l’histoire, les deux acteurs ont quitté la scène. Djotodia a été contraint à la démission et s’est immédiatement rendu au Benin où il vit, loin des bruits de bottes ! Le président tchadien regardera lui aussi la situation centrafricaine de loin. Il a déjà rapatrié ses troupes. Après avoir semé la terreur en Centrafrique, Deby et ses troupes s’en vont ! Michel Djotodia s’en tire aussi à bons comptes ! Il a été miraculeusement exclu des sanctions arrêtées vendredi 9 mai par le Conseil de Sanctions de l’ONU.
L’instance onusienne a ordonné un gel des avoirs de l’ex-président François Bozizé, du coordinateur des milices anti-balaka Levy Yakété et du numéro deux de l’ex-coalition rebelle Séléka, Nourredine Adam. Les trois personnalités sont également interdites de voyager. Entretemps, Michel Djotodia est soigneusement exclu du champ des responsabilités. Pourtant, c’est lui qui était le commandant en chef des rebelles Seleka qui ont brillé par des tueries et autres actes répréhensibles.
Qu’importe ! Plus la guerre durera, plus les responsabilités de Djotodia et Déby s’effaceront. Idem pour celles de la France. Une campagne savamment entretenue a d’ailleurs tôt fait de répandre que « le problème centrafricain est religieux ». Joli médiamensonge destiné à occulter les vraies causes qui sont politiques, économiques et géostratégiques. Quoiqu’il en soit, la France est désormais privée de son principal allié sur le terrain.
L’ONU au secours
Le Tchad et la France n’étaient pas les seuls pays disposant de troupes combattantes en République centrafricaine. Ils ne disposaient que de 2800 sur sur les près de 8 000 militaires présents en RCA. L’Union africaine a créé une Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca) composée de 6 000 hommes fournis par certains de ses pays membres.
Seulement, les troupes françaises et tchadiennes avaient la particularité d’avoir déjà combattu ensemble sur un autre front il y a juste dix mois : au Mali. Contrairement aux autres troupes africaines engagées dans la Misca, les tchadiennes avaient un avantage déterminant : l’habitude de la guerre asymétrique. Toutes choses que capitalisaient les troupes Sangaris en terrain inconnu pour l’essentiel. Le départ des militaires tchadiens mettait donc François Hollande face à une équation à plusieurs inconnues. Et le président français savait bien que si la guerre persiste, les troupes françaises pourront être prises à partie par les populations lassées de ne pas voir venir le salut promis par l’Elysée. Or en Centrafrique, les troupes françaises en raison de la couleur de leur peau sont facilement identifiables.
Le 5 mai 2014, les soldats français ont été la cible d’une attaque rebelle à 450 km au Nord Est de Bangui. Les affrontements ont duré environ trois heures. Les troupes Sangaris ont dû recourir au dispositif français présent au Tchad pour venir à bout des rebelles. L’état-major de l’armée française a confirmé l’attaque dans un communique publié ce même lundi. Il faut craindre que les attaques contre les Sangaris se multiplient dans ce pays où le sentiment anti français augmente chaque jour un peu plus.
Par anticipation à cette dégradation de la situation sécuritaire, François Hollande a profité du quatrième Sommet Union européenne – Afrique (tenu à Bruxelles les 2 et 3 avril) pour inviter les autres pays membres de l’Union à s’engager aux côtés de la France en RCA. La Finlande, la Pologne, le Portugal, l’Espagne, l’Estonie, la Lettonie, la Géorgie et l’Italie s’étaient déjà prononcés favorablement. Mais le plaidoyer de M. Hollande n’a pas véritablement retenu l’attention des grands pays occidentaux. L’Allemagne et la Grande-Bretagne… ont préféré laisser la France face à ses responsabilités en Centrafrique. Quelques simples promesses en moyens logistiques, mais aucun soldat. Comme pour dire aux Français : « Pourquoi devons-nous vous aider à mener une guerre que vous avez déclenchée pour favoriser vos entreprises : Total, Bolloré, Areva, Cfao, etc. » ?
Grace à l’entregent de Gérard Araud, ambassadeur de France à l’ONU, le Conseil de sécurité a voté le 10 avril une Résolution autorisant le déploiement de 12 000 casques bleus en RCA. Ce nouveau contingent pourra permettre aux Centrafricains de retrouver la paix. Il aura surtout permis à la France d’éviter une nouvelle humiliation 75 ans après Dien Bien Phu. Interviewé sur France 24 juste après le vote du Conseil de sécurité, Gérard Araud s’est félicité de cette Résolution obtenue de haute lutte par la France. N’en déplaise au chef de la Misca, le général Moukoko qui regrettait sur la chaîne française que l’ONU ait crée une nouvelle force alors qu’elle pouvait tout simplement soutenir les troupes de la Misca déjà présentes sur le terrain avec « des avantages comparatifs indéniables ».
Les raisons cachées d’une guerre à plusieurs fronts
En Centrafrique, la France se déploie sur plusieurs fronts : militaire, économique et géostratégique. Sur le plan militaire, elle a l’opération Sangaris. Elle est menée par 2000 militaires. Mais les principales raisons de l’intervention française sont économiques et géostratégiques. Sur ces deux derniers fronts, l’ennemi est connu : la Chine.
L’empire du milieu fait une entrée fracassante dans le pétrole centrafricain. Au grand dam de Paris et de son relais néocolonialiste dans la sous région : Idriss Deby. Aussitôt établi, l’axe Bangui-Pékin a porté des fruits. En 2008, la Chine a accordé à la RCA des aides et un prêt pour un montant global de 3,25 milliards de francs CFA. Soit 4,4 millions d’euros. Cette enveloppe a permis de construire des écoles et des hôpitaux dans un pays qui en manquait cruellement. Le 10 septembre 2009, le président Bozizé a été reçu au Palais du peuple par Hu Jintao, alors président de la République populaire de Chine.
Le plus grand « crime » de François Bozizé
Le rapprochement entre Bozizé et Hu Jintao a permis à la Compagnie chinoise CNPC de reprendre le permis de recherche, développement et exploitation du pétrole de Boromata, dans le Nord-est de la Centrafrique. Il est important de rappeler que pour ce gisement, Ange Félix Patassé, le prédécesseur de Bozizé, avait accordé un permis similaire au pétrolier étasunien Grynberg RSM. L’industriel de Denver, invoquant l’insécurité, n’a pas pu conduire les recherches et le permis a expiré en 2004. Et au lieu de céder ce permis à une entreprise française, Bozizé a commis le « crime » de privilégier la compagnie chinoise.
La Centrafrique paye aujourd’hui le prix de la diversification des partenaires économiques décidée par François Bozizé pour tenter de développer l’un des ays les plus pauvres de la planète.