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« Affaire Kenguéna, Sékéyini, Kinimandji et Ngamana »: quand le ministre Hervé Ndoba protège des délinquants financiers !

Publié le mercredi 8 juin 2022  |  letsunami.net
Réunion
© Ministère par DR
Réunion de recouvrement aux Finances et Budget
Dans le cadre de la mise en œuvre des réformes visant les organes de pilotage du ministère des Finances et du Budget, le nouveau ministre, Hervé Ndoba, a présidé, ce lundi 2 août 2021, dans la salle de conférences dudit département, la toute première réunion baptisée ``réunion de recouvrement des recettes de l’Etat``.
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Dans notre article intitulé « Centrafrique : de meilleures performances douanières sur fond de sérieuses affaires de détournements » publié le 25 mai 2022, nous nous sommes évertués à porter à la connaissance du grand public de croustillantes révélations sur de graves accusations de détournements de deniers publics formulées contre certains fonctionnaires de la douane centrafricaine par le liveur Rodrigue Joseph Prudence Mayté. Etaient mis en cause Maxime Ngamana, inspecteur des douanes et chef de service à la direction des recettes principales, Sekeyini Jules, inspecteur des douanes, chef de service de la brigade mobile de surveillance, Kinimandji Daniel, inspecteur principal des douanes, CB au Terminal à conteneurs, et Kenguena Kevy Jean – Claude, inspecteur principal des douanes, DR à Berbérati.

D’après les renseignements en sa possession, le liveur Mayté a révélé que les fonds de l’état détournés par ces agents des douanes véreux, depuis l’avènement de Touadéra au pouvoir, de mars 2016 à ce jour, pourraient constituer de solides appuis budgétaires et servir aux paiements des salaires des fonctionnaires et agents de la fonction publique sur plusieurs mois. De vrais actes criminels, de ce fait, qui n’ont malheureusement jamais fait l’objet d’une quelconque dénonciation de la part du ministre des finances et du budget Hervé Ndoba et du directeur général des douanes et des droits indirects Théodore Frédéric Inamo, leurs supérieurs hiérarchiques les plus immédiats. A telle enseigne où on pourrait sans risque de se tromper qualifier ce silence d’un acte de respect à la loi de l’omerta, et donc de protection garantie à ces mafiosi, un acte de complicité avéré, et un acte de culpabilité entièrement partagé.

Plus étonnant et plus révoltant, le silence assourdissant de l’Inspection générale des finances qui a pour missions de vérifier, contrôler, assurer l’audit technique, administratif, financier et comptable à priori et à posteriori sur l’ensemble de l’Administration Publique Nationale, d’étudier toutes questions, d’exécuter toute mission relative aux finances publiques, à la comptabilité publique, aux programmes d’investissement public, aux marchés publics, aux patrimoines de l’État et des Collectivités Locales ainsi que celles liées à la discipline budgétaire et financière. Rappelons que l’Inspection générale des finances joue également auprès du ministre des finances et du budget le rôle de conseil et, à ce titre, produit des recommandations dans tous domaines relevant de sa compétence. Sur instruction du ministre, elle peut, à titre exceptionnel, réaliser toute étude, mener toute enquête liée à son domaine de compétence sans préjudicier au principe constitutionnel de l’indépendance des pouvoirs.

Ceci dit, cette approche paraît judicieusement défendable et incontestable dans la mesure où depuis l’accession du mathématicien de Boy – Rabé au pouvoir en mars 2016, pour monter aux cimes de l’Administration centrafricaine, il y a deux voies. Certains prennent le chemin fatidique des escaliers. Mais il y en a qui, de plus en plus, prennent une voie expresse : la politique. En un laps de temps, ils gravissent ainsi tous les échelons et accèdent au sommet. Une situation qui n’en finit pas de déstructurer l’Administration, en démotivant ses bras les plus compétents, les plus valables.

Maléssara Joseph, spécialiste en questions de Leadership, d’éthique, de gouvernance et stratégie, la dénonce avec vigueur : « Cette situation est devenue intenable pour les fonctionnaires qui tiennent à des principes et au sacerdoce de la Fonction publique. Ces gens qui se soucient encore de l’éthique, de la neutralité de l’Administration, du prestige de la haute fonction sont aujourd’hui dans leurs petits souliers. Ils se sentent de plus en plus gênés et mal à l’aise. C’est quelque chose de dramatique qui se joue sous nos yeux. »

Quand ils ne sont pas tout simplement mis au frigo, ces fonctionnaires valeureux sont contraints de jouer les seconds rôles. Aussi brillants et expérimentés soient-ils. D’autres préfèrent tout bonnement prendre leurs clics et leurs clacs et s’en aller de l’Administration. « Généralement, constate Maléssara Joseph pour s’en désoler, ils sont les plus sérieux, les plus chevronnés. Quand ils en ont assez de supporter cette cupidité, cette incurie qui règne dans l’Administration publique, ils vont chercher une carrière à l’international ou bien aller se réaliser dans le privé. C’est dramatique, parce qu’on perd ainsi les meilleurs de nos fonctionnaires. »

Mais pourquoi un tel attrait de certains hauts fonctionnaires pour la politique ? Nos interlocuteurs sont convaincus que si ce n’est pas pour avoir une promotion sans trop bourlinguer, c’est souvent pour s’enrichir, enrichir leurs proches en toute impunité et donner des coups de main aux structures qui les ont placés là. Et Maléssara Joseph de conclure en ces termes : « Certains en arrivent même à sortir de l’Administration pour devenir des politiciens professionnels, être promus à des directions ou ministères juste pour s’enrichir personnellement. Ce système basé sur le clientélisme politique fait surtout la promotion des plus médiocres ou des plus véreux, au détriment des fonctionnaires les plus rigoureux, les plus sérieux, les plus honnêtes, les plus vertueux. »

In hoc casu, comme nous l’avons annoncé un peu plus haut et s’agissant de l’affaire Kenguéna, Sékéyini, Kinimandji et Ngamana, les premiers bénéficiaires de ces nominations sont le MCU et ses principaux dirigeants qui occupent eux aussi de hautes fonctions dans l’appareil de l’Etat. Au – delà de leurs cotisations mensuelles qui constituent des obligations auxquelles est assujetti tout militant, ceux – ci usent régulièrement de leurs positions et de leurs proximités avec l’argent pour non seulement assouvir leurs propres desseins mais surtout pour garnir les porte – feuilles de ces décideurs, le plus souvent déficitaires. Ce faisant, ils les mettent dans leurs poches, et ayant les mains liées, ces derniers les laissent faire et ne peuvent que fermer les yeux sur des allégations d’actes de détournements des deniers publics dans lesquels leurs noms sont constamment cités.

C’est ce que nous pouvons retenir des cas Kenguéna, Sékéyini, Kinimandji et Ngamana qui sont des fonctionnaires de l’Etat, qui ont des droits et des obligations et qui doivent rendre compte de tous les actes délictueux commis dans l’exercice de leurs fonctions. Mais, au lieu d’enclencher à leur encontre, dès l’annonce de ces graves allégations de détournements de fonds, la procédure disciplinaire conformément aux dispositions de la loi portant statut général de la fonction publique, grande a été notre surprise d’observer un silence assourdissant de la part de « leurs supérieurs hiérarchiques les plus immédiats » que sont le ministre des finances et du budget Hervé Ndoba et le directeur général des douanes et des droits indirects Théodore Frédéric Inamo. A en croire que l’on aurait affaire à une véritable MAFIA.

Et pourtant, dans sa Déclaration à la nation du 30 mars 2016, Touadéra s’était engagé à mettre en place « un gouvernement de rupture » enraciné dans « une gestion sobre et vertueuse ». Il s’était aussi déterminé à mettre « en charge l’obligation de dresser les comptes de la Nation et d’éclairer l’opinion sur l’état des lieux ». Rien de tous ces engagements-là n’a été respecté par le Chef de l’Etat. Nous assistons à l’instauration d’un modèle de gouvernance d’opportunisme tourné vers la sauvegarde et la consolidation des intérêts extérieurs ainsi que la protection de ses hommes qui ont hissé la délinquance financière à des niveaux insoupçonnés.

Depuis plus de six ans, le système de gouvernance publique s’obscurcit. Sa manifestation la plus flagrante est la domestication des organes de contrôle et la politisation outrancière de l’administration à tous les niveaux. Il s’agit d’une attitude neutralisant toutes les ambitions sérieuses de refondation de l’Etat et de la transformation de la société poussant le pays vers des profonds abîmes. La perversion et le naufrage de la gouvernance publique ont pour conséquence des retards inquiétants constatés dans la publication des rapports des organes de contrôle de l’Etat : ceux de l’Inspection Générale d’Etat (IGE), de la Cour des Comptes et de la Haute Autorité en charge de la Bonne Gouvernance ou du moins ce qu’il en reste. La volonté de se protéger et de protéger ses ministres, ses directeurs et ses militants pousse le Chef de l’Etat à passer sous silence ces rapports sur l’état de la gouvernance et la reddition des comptes. Cette posture du président de la République a fini par anéantir le travail de tous ceux qui n’ont ménagé aucun effort pour retracer la gestion tourmente du régime-Touadéra.

Sur ce, le retour à l’orthodoxie devrait être un des grands chantiers des futurs régimes. S’ils veulent rendre un service à ce pays, ils doivent nécessairement faire des réformes dans ce sens. La politisation à outrance de notre Administration a fini de tout déstructurer. Aujourd’hui, ce n’est plus la compétence qui prime, mais le niveau de militantisme. Et c’est extrêmement grave !

Jean – Paul Naïba
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