Alors que le régulateur du marché bancaire communautaire interdit formellement l’usage et l’émission de cette monnaie, les milieux d’affaires camerounais jouent la carte de prudence et appellent à la mise en place d’un cadre réglementaire.
Pour justifier l’interdiction faite aux banques et autres établissements soumis à son contrôle en zone Cemac, la Commission bancaire de l’Afrique centrale (COBAC), rejointe en cela par le patronat camerounais, notamment le groupement interpatronal du Cameroun (Gicam), soutient que « la détention et l’utilisation des cryptomonnaies et des crypto-actifs présentent notamment un risque de marché lié à la volatilité extrême des cours ; un risque opérationnel, en particulier de crypto-criminalité ; un risque de liquidité ou de conversion en devise ; un risque juridique lié à l’extraterritorialité des prestataires ; un risque de blanchiment de capitaux et financement du terrorisme et un risque d’évasion fiscale et de fuite des capitaux».
Cette sortie du gendarme des établissements bancaires de l’espace Cemac, fait suite à l’adoption par la République centrafricaine de la cryptomonnaie. Aussi pour faire barrage aux desseins de ce pays qui a promulgué la Loi du 22 avril 2022, la Beac, à travers la Cobac, a-t-elle pris la décision du 06 mai 2022 relative à la détention, l’utilisation, l’échange et la conversion des cryptomonnaies ou crypto-actifs par les établissements assujettis à la Cobac. Par sa fermeté, la Cobac fait interdiction aux banques et à leurs partenaires techniques dans le cadre des services de paiement de souscrire ou de détenir pour leur propre compte ou pour le compte des tiers, les cryptomonnaies ou monnaies virtuelles de quelque nature que ce soit.
Le texte poursuit en précisant qu’il est interdit aux établissements assujettis ainsi qu’à leurs partenaires techniques dans le cadre des services de paiement d’échanger ou de convertir, de régler ou couvrir en devise ou en franc CFA les transactions relatives aux cryptomonnaies ou ayant un lien avec celles-ci. Par ailleurs, est proscrit, le traitement d’une cryptomonnaie ou d’une monnaie virtuelle comme un moyen d’évaluations des éléments d’actif, de passifs ou de hors-bilan des établissements assujettis.
Pour le Gicam, la situation juridique de la monnaie virtuelle dans le monde reste à parfaire et la décision de sa légalisation ne va pas sans implications sérieuses, a-t-on appris samedi d’une note d’information de GICAM. Car celle-ci « est un actif digital échangeable » car elle fait partie « d’un système numérique de paiement totalement décentralisé ». d’où le nombre d’avantage qu’elle présente pour les agents économiques selon le Groupement interpatronal.
«En comparaison avec la monnaie traditionnelle, la cryptomonnaie est infalsifiable, indestructible et transparente. En effet, elle doit son caractère infalsifiable à l’utilisation de la cryptographie dans la gestion des transaction, ainsi, le risque de « fausse monnaie » est nul ». De plus, pour les opérations d’importation, les acteurs économiques sont affranchis des contraintes imposées par la réglementation des changes dont le respect est assuré par les banques centrales. Au-delà, il y a des gains de temps importants entre la monnaie traditionnelle et la cryptomonnaie.
Pour toutes ces raisons, pendant que la Cobac ne transige pas sur le destin de ces monnaies dans l’espace communautaire, le Gicam constate que « le développement des cryptomonnaies fondées sur la blockchain, est venu combler le vide sécuritaire qui freinait l’essor des transactions sur l’Internet ». Pendant que la plupart des pays observent encore la prudence face au développement de cette technologie, les milieux d’affaires notent que certains pays qu’en dépit de l’interdiction, il est difficile au niveau technique de la faire respecter en ce qui est l’acquisition de biens et de services dématérialisés.
Tracking : la Banque centrale durcit le ton
« La légalisation des cryptomonnaies (…) est une décision non sans implications sérieuses. De fait, ce choix de grande portée qu’est l’acceptation d’actifs cryptographiques, devrait s’accompagner d’autres mesures réglementaires et de facilitation opérationnelle pour faire de la cryptomonnaie un outil de développement économique et social », suggère le Gicam.
Pour décourager toute tentation à la dissimulation d’opérations en cryptomonnaie, la Cobac dispose que les établissements assujettis sont tenus d’identifier les opérations réalisées ou rejetées et de dénoncer les donneurs d’ordre, les bénéficiaires, les montants, la monnaie légale de transaction, les contreparties en crypto monnaie, l’objet de la transaction, etc.
Un état détaillé de ces opérations doit être transmis mensuellement au Secrétariat général de la COBAC et à la Banque Centrale. En outre, les établissements assujettis sont tenus de prendre toutes les dispositions utiles et de mettre en place des procédures ainsi que des mesures de contrôle interne, afin que leurs systèmes d’information puissent identifier à tout moment des opérations en lien avec cette technologie, de manière à mettre en œuvre toutes les mesures prises par les autorités de tutelle, de supervision et la Banque Centrale.
Cet arsenal de mesures coercitives qui coincent les autorités centrafricaines met en évidence le
défaut de nature de monnaie de cette technologie et déconstruit techniquement la crypto-monnaie et le Bitcoin.
Il y a deux ans, la Commission de surveillance du marché financier d’Afrique centrale, (Cosumaf) alertait le public sur la nature risquée des investissements en cryptomonnaie et conseillait la prudence face à des offres de démarcheurs promettant des rendements élevés garantis. Aussi, prévenait-elle, toute entité ou personne se livrant au démarchage du public en vue de réaliser des placements non réglementés, s’expose à des poursuites conformément aux dispositions légales et règlementaires en vigueur ».
Mais à ce jour, le gendarme du marché financier sous-régional ne s’est pas encore prononcé sur cette technologie définitivement car, si toutes les activités liées aux crypto-actifs ainsi que le démarchage financier sur ces produits numériques sont interdits, la Cosumaf depuis 2020, a décidé de légiférer sur la mise sur pied d’un cadre juridique en lien avec les activités relatives crypto-actifs. Tous les regards sont donc tournés vers la Cosumaf qui a annoncé un texte sur cette technologie non sans en tenir compte dans le projet de réforme du marché financier unifié.