Bangui (République centrafricaine) – Entre Sarandji et Touadera, c’est le ping-pong. La diplomatie dans la manipulation. C’est dans ce contexte qu’émerge le débat sur un éventuel troisième voire quatrième mandat de Touadera à travers la modification ou l’introduction d’une nouvelle Constitution. Ce qui fait naître de vive tension entre les deux hommes forts de la RCA qui ne semble plus parler le même langage.
Sarandji et Touadera à couteau tiré
Lors du dialogue républicain qui s’est ouvert le 21 mars dernier, l’idée d’amender la constitution a été évoquée par les représentants de la majorité présidentielle pour, soi-disant, adapter certaines institutions républicaines aux nouvelles réalités du pays.
Certains n’ont pas tardé à y voir un subterfuge pour lever la limite des mandats présidentiels sous couvert de changement constitutionnel, afin de permettre au président Touadera de briguer un troisième mandat, voir quatrième, ou encore cinquième. Le projet d’amendement de la Constitution a été relancé avec l’introduction d’une proposition de révision constitutionnelle à l’Assemblée nationale par le député de la majorité présidentielle, Bruce Kévin Kakpayen.
Lors de sa conférence de presse à l’hôtel Ledger, le député a présenté des arguments en faveur d’une modification de la Constitution. Il a évoqué notamment le cas d’autres pays voisins de la RCA, comme le Cameroun et le Gabon, qui ont aboli la limitation des mandats présidentiels et justifié son action par l’article 156 de la Constitution, qui permet à un élu de la nation de soumettre un projet d’amendement constitutionnel. Mais la lecture des dispositions de l’article 153 de la Constitution révèle que « la question du nombre et de la durée des mandats présidentiels » ne peut faire l’objet d’aucune révision.
Lors du Conseil des ministres tenu le 20 juillet 2022, le gouvernement a validé le projet d’amendement à la Constitution avec quelques propositions. Il a ensuite été renvoyé au Parlement pour examen. Malgré les dispositions de l’article 153 de la Constitution qui interdisent toute modification de la durée des mandats présidentiels, le Conseil des ministres est favorable à la levée du blocage des mandats présidentiels, arguant qu’une Constitution n’est pas par nature immuable. Ainsi, débute le tacle entre Sarandji et Touadera.
Sarandji montre ses muscles et fixe le chemin à Touadera
En réponse à l’avis du gouvernement sur la proposition de Loi constitutionnelle, le Président de l’Assemblée nationale , le géographe Simplice Mathieu Sarandji remet la balle dans le camp du Président Touadera. Il propose au gouvernement de créer une assemblée constituante inclusive englobant toutes les forces vives de la Nation pouvant statuer sur l’élaboration d’une nouvelle constitution.
« Le Bureau de l’Assemblée nationale, réuni le mardi 9 août 2022, prend acte de l’Avis du Gouvernement su référencé, relatif à la proposition de Loi constitutionnelle modifiant et complétant certaines dispositions de la Constitution du 30 mars 2016.
Toutefois, se référant aux conclusions du Dialogue républicain du 21 mars 2022, appelant à la réforme de la Loi fondamentale d’une part, à l’aspiration profonde du peuple centrafricain amplement manifestée par le soutien populaire à la réforme constitutionnelle à travers les pétitions et marches de soutien organisées sur la quasi-totalité du territoire centrafricain d’autre part, le Bureau prie le Gouvernement de bien vouloir déclencher la procédure référendaire en matière de réforme constitutionnelle.
En conséquence, le Bureau exhorte le Gouvernement à mettre en place une constituante inclusive englobant toutes les forces vives de la Nation », insiste le Président de l’Assemblée nationale Simplice Mathieu Sarandji dans sa réponse au gouvernement sur la proposition de Loi constitutionnelle. Ceci dit, Sarandji joue le jeu et tacle diplomatiquement son ami Faustin Archange Touadera qui a mis la balle au départ dans son camp. Sarandji et Touadera à couteau tiré.
Pour un professeur de droit à l’université de Bangui, le PAN Simplice Mathieu Sarandji a totalement raison.
« S’il s’agit de la réécriture d’une nouvelle constitution, l’Assemblée nationale n’a rien à voir. Le gouvernement doit mettre en place une assemblée constituante composée des experts et de forces vives de la nation : partis politiques (majorité et opposition), société civile, etc. », affirme cet universitaire.