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Constitutionnalisme et 3e mandat – La décision historique de la Cour constitutionnelle de RCA

Publié le mardi 18 octobre 2022  |  letsunami.net
RCA:
© RFI par DR
RCA: la justice tente de «retrouver son renom»
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L’ESSENTIEL : Après avoir envisagé de réviser la Constitution, le Président Faustin Archange TOUADÉRA a finalement opté pour un changement de Constitution, l’enjeu principal étant de faire sauter le verrou limitant strictement à 2 le nombre de mandats pouvant être exercé par un Président de la République. La présente décision est rendue suite à des recours contre les premiers décrets pris, mettant en place le dispositif de rédaction de la nouvelle Constitution. La Cour y juge inconstitutionnels ces décrets et les annule par une décision à tous points de vue remarquable que le lecteur trouvera ici…
Cour constitutionnelle de la RCA, décision n° 009/CC du 23 septembre 2022
Lire la décision
COUR CONSTITUTIONNELLE

REPUBLIQUE CENTRAFRICAJNE

Unité – Dignité- Travail

DECISION N°009/CC DU 23 SEPTEMBRE 2022

SUR LES RECOURS AFIN DE CONSTAT DE L’IMPOSSIBILITÉ DE L’ORGANISATION D’UNE RÉVISION DE LA CONSTITUTION OU D’UN REFERENDUM CONSTITUTIONNEL ET EN INCONSTITUTIONNALITÉ

DU DÉCRET N° 22.348 DU 26 AOUT 2022 PORTANT CRÉATION DU COMITE CHARGE DE RÉDIGER LE PROJET DE CONSTITUTION DE LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE,
DU DÉCRET N°22.367 DU 12 SEPTEMBRE 2022 ENTÉRINANT LA DÉSIGNATION DES MEMBRES DU COMITE CHARGE DE RÉDIGER LE PROJET DE CONSTITUTION DE LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE,
DU DÉCRET N° 22.372 DU 14 SEPTEMBRE 2022 MODIFIANT ET COMPLÉTANT CERTAINES DISPOSITIONS DU DÉCRET N°22.367 du 12 SEPTEMBRE 2022 ENTÉRINANT LA DÉSIGNATION DES MEMBRES DU COMITE CHARGE DE RÉDIGER LE PROJET DE LA NOUVELLE CONSTITUTION DE LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
ET DU DÉCRET N° 22.378 du 15 SEPTEMBRE 2022 ENTÉRINANT LA DÉSIGNATION PAR LEURS PAIRS DES MEMBRES DU BUREAU DU COMITE CHARGE DE RÉDIGER LE PROJET DE LA NOUVELLE CONSTITUTION DE LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
AU NOM DU PEUPLE CENTRAFRICAIN

LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Vu la Constitution du 30 mars 2016 ;

Vu la loi n° 17.004 du 15 Février 2017 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle ;

Vu les requêtes introduites par :

Crépin MBOLI-GOUMBA, Président du parti PATRIE en date du 22 août 2022, enregistrée le même jour au greffe de la Cour Constitutionnelle sous le numéro 018 à 13 heures 35 minutes ;
Rodolphe Héritier Bonheur DONENG WANZOUMON, Président du parti Front Républicain en date du 24 août 2022 enregistrée le même jour au greffe de la Cour Constitutionnelle sous Je numéro 019 à 10 heures 05 minutes ;
Joseph BENDOUNGA, Président du parti Mouvement pour la Renaissance et l’Évolution de Centrafrique (MDREC) en date du 29 août 2022 enregistrée le même jour au greffe de la Cour Constitutionnelle sous le numéro 020 à 13 heures 30 minutes ;
Onze (11) partis politiques, requête groupée en date du 31 août 2022, enregistrée le même jour au greffe de la Cour Constitutionnelle sous le numéro 021 à 15 heures 25 minutes ;
Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain (MLPC) représenté par son Président Martin ZIGUELE ;
PATRIE, représenté par son Vice-Président, Innocent POKO ;
Convention Républicaine pour le Progrès Social (CRPS) représentée par son Premier Vice-Président, Maurice LENGA ;
Union pour le Renouveau Centrafricain (URCA) représentée par son Président, Anicet Georges DOLOGUELE ;
BÊAFRICA TI Ê KWE (BTK) représentée par son Président Mahamat KAMOUN ;
Rassemblement pour la République (RPR) représenté par son Président, Alexandre Ferdinand NGUENDET ;
Chemin de l’Espérance (CDE) représenté par son Président, Karim MEKASSOUA ;
Mouvement pour la Démocratie, l’Indépendance et le Progrès Social (MDI-PS), représenté par son Secrétaire Général Raymond ADOUMA ;
Marche pour la Démocratie et le Salut du Peuple (MDSP) représentée par son Président Désiré ERENON ;
Parti Social-Démocrate (PSD) représenté par son Président Énoch DERANT LAKOUE ;
Parti Centrafricain pour l’Unité et le Développement (PCUD), représenté par son Secrétaire Général, Samson NGAIBONA ;
Ayant pour Conseils Maitre Nicolas TIANGAYE et Maitre Crépin MBOLI-GOUMBA, avocats à la Cour ;

Rodolphe Héritier Bonheur DONENG WANZOUMON, Président du Parti Front Républicain, deuxième requête en date du 01 septembre 2022 enregistrée au greffe le même jour sous le n° 023 à 12 heures 50 minutes ;
Jean-François AKANDJI-KOMBE, Karl BLAGUE, Ben Wilson NGASSAN, Ludovic LEDO, Sydney TCHIKAYA, Anatole Alain CONGO-SIENNE, Laurent GANDOLA, Lydie NZENGOU épouse KOUMAT-GUERET, Rosalie POUZERE ayant pour conseil Maitre Arlette SOMBO-DIBELE, requête groupée du 14 septembre 2022, enregistrée le même jour au greffe de la Cour Constitutionnelle sous le numéro 026 à 13 heures 25 minutes ;
Vu les pièces jointes ;

Les Rapporteurs ayant été entendus ;

APRÈS EN AVOIR DELIBERE CONFORMEMENT A LA LOI

Considérant que les requérants exposent ce qui suit :

Crépin MBOLI-GOUMBA, Président du parti PATRlE, a saisi la Cour d’une demande ayant pour objet de faire constater l’impossibilité de l’organisation d’une révision ou d’un referendum constitutionnels

Le requérant fait état de l’impossibilité d’une révision constitutionnelle ou de l’organisation d’un referendum constitutionnel au regard de la Constitution du 30 mars 2016. Cette impossibilité, selon lui, est fondée sur plusieurs articles de la Constitution :

Impossibilité tirée des articles 63 et 65 de la Constitution ;
Impossibilité tirée de l’article 162 ;
Impossibilité tirée des articles 35 et 153 de la Constitution.
En conclusion, il soutient que toute organisation de référendum tendant à réviser la Constitution ou à écrire une nouvelle Constitution est inconstitutionnelle et à exclure.

Rodolphe Héritier Bonheur DONENG WANZOUMON, Président du Parti Front Républicain a saisi la Cour Constitutionnelle d’un recours en annulation de la requête de Crépin MBOLI-GOUMBA.

Il expose que la lecture de la Constitution du 30 mars 2016 a révélé que celle-ci a des imperfections et des limites en ce qu’elle ne tient pas compte des réalités économiques, sociales, culturelles politiques et environnementales. Ceci s’est traduit par le fait de la création de plusieurs institutions budgétivores. La Constitution comporte en plus, des dispositions discriminatoires notamment à l’égard des jeunes de la tranche d’âge de 18 à 35 ans.

Une pétition lancée le 28 mars 2022 avait pour objet le débat républicain sur l’amendement de la Constitution. Elle a recueilli 601.774 signatures. Elle a été remise officiellement le 29 avril 2022 à l’Assemblée Nationale par les représentants de la société civile.

Brice KAPKAYEN a déposé une proposition de loi constitutionnelle conformément aux dispositions du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale. Elle a été déclarée recevable en la forme par le Bureau de l’Assemblée Nationale qui l’a transmise au Gouvernement pour avis. Dans son avis n° 43/MCSGRRlR/DIRCAB.22 du 27 juillet 2022, le Conseil des Ministres a relevé que cette initiative est régulière, justifiée et pertinente. Néanmoins elle porte sur un certain nombre d’articles intangibles notamment l’article 153 de la Constitution d’où nécessité d’une nouvelle Constitution. L’Assemblée Nationale par courrier n°170/AN/P. du 10 août 2022 a demandé au Gouvernement de déclencher une procédure référendaire à cet effet.

Toute la démarche suivie est conforme aux dispositions des articles 63, 65 alinéa 2, 151, 152 et 156 de la Constitution du 30 mars 2016 et à l’article 24 point 3 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale.

Le requérant demande de déclarer irrecevable et nulle la requête de Crépin MBOLI-GOUMBA.

Joseph BENDOUNGA, Président du Parti Mouvement pour la Renaissance et l’Évolution de Centrafrique (MDREC) a saisi la Cour Constitutionnelle d’une demande d’avis sur le referendum constitutionnel annoncé par le Président de la République.

Il expose que le Président de la République, en réponse aux sollicitations de Brice Kevin KAPKAYEN, Fidèle NGOUANDJIKA et Mathieu Simplice SARANDJI a mis en place par décret, une assemblée constituante. Pour le requérant, la mise en place de cette assemblée constituante fait suite à une mauvaise interprétation des dispositions de l’article 156 de la Constitution par Brice Kevin KAPKAYEN et le Bureau de l’Assemblée Nationale et viole les articles 23, 38 et 153 de la Constitution ;

Il sollicite l’avis de la Cour sur la question.

Onze (11) partis politiques légalement reconnus et ayant leur siège à Bangui : Recours en inconstitutionnalité du Décret n° 22.348 du 26 août 2022 portant création du comité chargé de rédiger le projet de Constitution de la République Centrafricaine.

En ce qui concerne la demande du Président de l’Assemblée Nationale, par lettre datée du 10 mai 2022, dont l’objet est « Réponse à l’Avis du Gouvernement sur la proposition de Loi Constitutionnelle », lettre par laquelle il demande la mise en place d’une Constituante, cette demande est en violation des articles 21, 25 al 1er, 26 alinéas 2, 3 et 4 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale et en violation du principe de la séparation des pouvoirs.

En ce qui concerne le Décret présidentiel : En mettant en place un comité chargé de rédiger le projet de la Constitution de la République Centrafricaine ainsi que des projets de textes connexes par décret, le but poursuivi par le Président de la République est de soumettre à l’approbation du peuple par voie référendaire un projet de Constitution qui remplacerait celle du 30 mars 2016. Or, les conditions d’organisation d’un referendum ne sont pas remplies, le projet est inconstitutionnel car envisageant de supprimer les articles 35 et 153 qui sont exclus du domaine de révision constitutionnelle, le Président de la République a l’initiative de révision de la Constitution et non l’initiative de son abrogation.

En accédant à la sollicitation du Président de l’Assemblée Nationale, le Président de la République a enfreint plusieurs dispositions de la Constitution :

L’article 33 alinéas 1, 2 et 3 : le décret litigieux est inconstitutionnel en ce qu’il remet en cause l’existence même de la Constitution ;
L’article 38 : les termes du serment prononcé par le Président de la République rendent inconstitutionnel le décret attaqué en raison de la volonté manifeste du Président de la République de changer la Constitution à des fins personnelles en vue d’un troisième mandat proscrit par l’article 35 in fine.
L’article 95 tiret 9 : le Président de la République a transgressé la loi fondamentale en engageant la procédure référendaire sans l’avis préalable de la Juridiction constitutionnelle ;
Les articles 63 et 65 et 156 : L’Assemblée Nationale seule sans le Sénat, même disposant de la totalité du pouvoir législatif en vertu de l’article 156 de la Constitution, ne peut valablement constituer le congrès qui est la seule instance habilitée à se prononcer sur les projets et propositions de lois constitutionnelles ;
L’article 152 alinéa 2 : La République Centrafricaine connaissant une situation d’atteinte à l’intégrité du territoire, toute révision de la Constitution est exclue.
Ils en concluent que le Décret n° 22.348 du 26 août 2022 portant création du comité chargé de rédiger le projet de la Constitution de la République Centrafricaine est inconstitutionnel.

La deuxième requête de Rodolphe Héritier Bonheur DONENG WANZOUMON est intitulée « recours en constitutionnalité du décret portant mise en place du Comité chargé de rédiger la Constitution de la République Centrafricaine ».

II expose en développant les arguments de la première requête que le Président de la République a le pouvoir d’en référer au referendum en application de la Constitution. L’initiative de la révision de la Constitution émane du peuple souverain. Ainsi la réécriture d’une nouvelle Constitution est recevable et enfin, il y a lieu de déclarer prématuré le recours des quelques partis politiques en déclarant constitutionnel le décret querellé.

Jean-François AKANDJI-KOMBE et autres exposent, à titre principal que la Cour est compétente et la requête est recevable, en application de l’article 95 tiret 1 de la Constitution et de l’article 44 de la loi portant organisation, et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle le décret étant un règlement ; au fond, l’article 47 de cette même loi dispose que le recours en annulation dirigé contre un acte réglementaire a pour effet automatique d’ en suspendre l’ application ce qui a été méconnu suite à la saisine de la Cour par les 11 partis politiques, saisine en annulation du décret n° 22.367 du 12 septembre 2022. Le décret attaqué trouve son fondement dans le décret n° 22.3 48 du 26 Août 2022 ainsi il y a violation de la loi organique de la Cour Constitutionnelle en son article 47. Le décret n° 22.367 du 12 septembre 2022 sera en conséquence annulé. A titre subsidiaire, le décret sera annulé par la Cour Constitutionnelle si celle-ci venait à annuler le décret n° 22.348 du 26 août 2022 pour défaut de base juridique, celui-ci violant en outre les dispositions des articles 41, 90, 152 et 153 de la Constitution du 30 mars 2016.

Dans le mémoire additionnel du 14 septembre 2022, enregistré au greffe de la Cour Constitutionnelle le même jour sous le numéro 026 à 13h25, les requérants soutiennent que le décret n° 22.348 du 26 aout 2022 portant création du Comité chargé de rédiger la Constitution de la République Centrafricaine, le décret n° 22.367 du 12 septembre 2022 entérinant la désignation des membres du Comité chargé de rédiger le projet de la Constitution de la république Centrafricaine sont pris en violation de l’article 47 de la loi organique sur la Cour.

Considérant qu’en réplique à la requête des 11 partis politiques, et pour le Président de la République, Chef de l’État, Maitre Rigobert VONDO, Constant GOUYOMGBIA-KONGBA-ZEZE et Jean Paul MOUSSA VEKETO exposent ce qui suit :

In limine litis : En application de l’article 26 de la Constitution du 30 mars 2016, la Souveraineté Nationale appartient au peuple centrafricain qui l’exerce soit par voie référendaire, soit par l’intermédiaire de ses représentants. En application de l’article 26, le Président de la République peut soumettre au referendum sous conditions déterminées par ce même article tout projet de loi ou, avant sa promulgation toute loi votée par le Parlement. Le décret ne saurait être assimilé à un projet de loi ou à une loi votée. Le décret est un acte du Gouvernement qui échappe à tout contrôle juridictionnel et notamment à tout contrôle de constitutionnalité, qu’en aucun cas la décision du Président de la République n’est susceptible de recours en ce qui concerne l’opportunité du referendum. L’article 235 in fine du Code Électoral exclut expressément toute possibilité de recours en ce qui concerne l’opportunité du referendum.

A titre subsidiaire : le décret ne vise nullement une éventuelle révision de la Constitution et donc ne porte pas atteinte à la Constitution du 30 mars 2016. L’argument suivant lequel le Président de la République aurait violé l’article 95 tiret 9 de la Constitution ne peut prospérer car prématuré et doit être écarté. En ce qui concerne la violation de l’article 152 alléguée elle est également prématurée et doit de ce fait être rejetée ;

ln limine litis la Cour doit se déclarer incompétente et subsidiairement rejeter la demande des onze partis politiques ;

Considérant qu’en réplique, pour le Président de l’Assemblée Nationale, Maître Léopold WANGAO demande de déclarer irrecevable le recours des 11 partis politiques, la saisine devant la Cour étant individuelle et non collective. La requête tend en outre à déclarer inconstitutionnel un décret, qui ne relève pas de la compétence de la Cour mais qui relève de la compétence du pouvoir exécutif en application de l’article 33 de la Constitution. Le décret incriminé est un acte régulier et légal conforme à l’article 49 de la Constitution. Il demande en conséquence de rejeter le recours des 11 partis politiques.

I – EN LA FORME

Sur la compétence

Considérant que la Cour Constitutionnelle, la plus haute juridiction de l’État en matière constitutionnelle, est gardienne de la Constitution et de l’ordre constitutionnel ;

Considérant qu’aux termes l’article 95 tiret 1, 8 al 9 de la Constitution du 30 mars 2016, elle est chargée de juger de la constitutionnalité des lois organiques et ordinaires, déjà promulguées ou simplement votées, des règlements ainsi que des Règlements Intérieurs de l’Assemblée Nationale et du Sénat ; qu’elle est également chargée d’interpréter la Constitution, et de donner son avis sur les projets ou propositions de révision constitutionnelle et la procédure référendaire ;

Considérant que les requêtes introduites par Crépin MBOLI-GOUMBA, les Onze (11) partis politiques ayant leurs sièges à Bangui, Joseph BENDOUNGA, Rodolphe Héritier Bonheur DONENG WANZOUMON, AKANDJI KOMBET et autres sont relatives au contrôle de constitutionnalité du Décret n° 22.348 du 26 août 2022 portant création du comité chargé de rédiger le projet de la Constitution de la République Centrafricaine et à la procédure d’élaboration ou de révision de la Constitution ;

Il y a lieu de déclarer la Cour compétente.

Sur la recevabilité

Considérant qu‘aux termes de l’article 98 de la Constitution : « Toute personne peut saisir la Cour Constitutionnelle sur la constitutionnalité des lois, soit directement, soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité invoquée devant une juridiction dans une affaire qui la concerne. »

Que l’article 45 de la loi n° 17.004 du 15 Février 2017 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle précise que la saisine de la Cour Constitutionnelle peut se faire par toute personne physique ou morale ;

Considérant que conformément aux textes sus cités, les requêtes ont été introduites au moyen de la saisine directe, les unes par des personnes physiques, les autres au nom des partis politiques étant des personnes morales ;

Il y a lieu de les déclarer recevables à l’exception de la requête de Joseph BENDOUNGA car le requérant n’a pas qualité pour demander l’avis de la Cour conformément à l’article 97 de la Constitution, et de celles de Rodolphe Héritier Bonheur DONENG WANZOUMON qui est une intervention volontaire, procédure non prévue devant la Cour ;

Considérant que toutes les requêtes sont relatives à la révision de la Constitution, il y a lieu d’ordonner la jonction des procédures pour une bonne administration de la justice.

II – AU FOND

Considérant que la Cour Constitutionnelle est gardienne de la Constitution et de l’ordre constitutionnel ;

Que seule la Cour Constitutionnelle a compétence pour interpréter la Constitution ;

Considérant que les moyens soulevés par les requérants comportent trois principales questions de droit : l’abrogation de la Constitution, la révision de la Constitution et le recours au referendum ;

Il y a lieu pour la Cour de procéder à l’examen de ces trois questions.

A) SUR LE PROJET D’ABROGATION DE LA CONSTITUTION DU 30 MARS 2016 ET SON REMPLACEMENT PAR UNE NOUVELLE CONSTITUTION

Considérant que le décret N° 22 348 du 26 août 2022 signé par le Président de la République et contresigné par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement et le Ministre chargé du Secrétariat Général du Gouvernement et des Relations avec les Institutions de la République est intitulé : « Décret N° 22.348 portant création du Comité Chargé de rédiger le projet de Constitution de la République Centrafricaine » ;

Considérant que ce décret a été pris suite à une correspondance du Président de l’Assemblée Nationale du 10 août 2022 adressée au Ministre chargé du Secrétariat Général du Gouvernement et des Relations avec les Institutions de la République ayant pour objet « Réponse à l’avis du Gouvernement sur la proposition de loi constitutionnelle » « avis N° 436/MCSGGRIR /DIRCAB-22 du 21.07.2022»;

Que dans cette correspondance, le Président de l’Assemblée Nationale déclare notamment :

« Le Bureau de l’Assemblée Nationale réuni le mardi 09 août 2022 :

Prend acte de l’Avis du Gouvernement sus référencié, relatif à la proposition de loi constitutionnelle modifiant et complétant certaines dispositions de la Constitution du 30 mars 2016
Prie le Gouvernement de bien vouloir déclencher la procédure référendaire en matière de réforme constitutionnelle ;
Exhorte le Gouvernement à mettre en place une Constituante inclusive englobant toutes les forces vives de la Nation » ;
Qu’ainsi, il y a lieu pour la Cour de se prononcer sur le projet d’abrogation de la Constitution après avoir examiné les pouvoirs du Président de l’Assemblée Nationale et du Bureau de l’Assemblée Nationale et les pouvoirs du Président de la République en matière d’initiative d’abrogation de la Constitution du 30 mars 2016 et de rédaction d’un projet d’une nouvelle Constitution.

Sur les pouvoirs du Président de l’Assemblée Nationale et du Bureau de l’Assemblée Nationale en matière d’initiative d’abrogation de la Constitution du 30 mars 2016
Considérant que la Constitution du 30 mars 2016 est basée sur le principe de la séparation des pouvoirs ;

Que les pouvoirs de l’Exécutif font l’objet du Titre III, et ceux du Législatif du Titre IV de la Constitution ;

Qu’en application des dispositions de l’article 64 de la Constitution, le Bureau de l’Assemblée Nationale convoque les sessions ordinaires après consultation du Président de la République ;

Que les autres pouvoirs du Bureau de l’Assemblée Nationale et du Président de l’Assemblée Nationale sont déterminés par les articles 14 et 15 de la loi organique N°17.011 du 14 mars 2017 portant Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale ;

Qu’aux termes de l’article 14 de ladite loi « le Bureau de l’Assemblée Nationale a tous les pouvoirs pour procéder aux délibérations de l’Assemblée Nationale, pour organiser et diriger tous les services de l’assemblée Nationale dans les conditions déterminées par le présent Règlement Intérieur » ;

Que « le Bureau détermine par arrêté du Président de l’Assemblée Nationale, les modalités d’application, d’interprétation et d’exécution par les différents services des dispositions du présent Règlement Intérieur ainsi que le Statut du personnel et les rapports entre l’administration de l’Assemblée Nationale et les organisations professionnelles du personnel » ;

Qu’en ce qui concerne l’article 15 du Règlement Intérieur qui fixe les attributions du Président de l’Assemblée Nationale, « le Président dirige l’Assemblée Nationale … il « préside les séances plénières de l’Assemblée Nationale ; les réunions du Bureau, de la Conférence des Présidents et des concertations. Il dirige les débats… Il assure la transmission au Gouvernement des actes de l’Assemblée Nationale et généralement toute communication » ;

Qu’ainsi les pouvoirs dévolus au Bureau de l’Assemblée Nationale et au Président de l’Assemblée Nationale sont des pouvoirs de gestion et d’administration de ladite Institution ;

Qu’il ne leur est conféré aucun pouvoir en matière d’initiative d’abrogation de la Constitution, qu’ils n’ont ainsi pas le pouvoir de demander au Gouvernement de mettre en place une Constituante.

Sur les pouvoirs du Président de la République en matière d’initiative d’abrogation de la Constitution
Considérant que les pouvoirs du Président de la République font l’objet du Titre III, articles 33 à 50 de la Constitution ;

Qu’il ressort de ces dispositions que le Président de la République a une obligation de protection de la Constitution du 30 mars 2016 ;

Qu’en vertu de l’article 33, il « veille au respect de la Constitution. Il assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité et la pérennité de l’Etat» ;

Que selon le serment prononcé lors de l’investiture figurant à l’article 38 de la Constitution le Président de la République jure « d’observer scrupuleusement la Constitution » ;

Qu’à l’examen des pouvoirs qui lui sont attribués par la Constitution, aucune disposition ne lui confère une initiative en matière d’abrogation de la Constitution ni de mise en place d’une Constituante.

Sur les conséquences constitutionnelles d’une abrogation de la Constitution sur le fonctionnement du Pouvoir Exécutif et du Pouvoir Législatif : la caducité des mandats du Président de la République et des députés acquis sous la Constitution du 30 mars 2016
Considérant que la Constitution du 30 mars 2016 a été adoptée à l’issue d’une Transition ;

Que l’article 159 de la Constitution dispose : « La présente Constitution est adoptée par le peuple par référendum et promulguée par le Chef de l’État de la Transition le jour de l’investiture du Président de la République, Chef de l ‘État, démocratiquement élu » ;

Que la Constitution a été promulguée le 30 mars 2016, le jour de l’investiture du Président de la République démocratiquement élu ;

Considérant que la Constitution fixe la durée des mandats des différentes Institutions et notamment du Président de la République et des députés ;

Considérant que la Constitution du 30 mars 2016 dispose en son article 35 :

« La durée du mandat du Président de la République est de cinq (5) ans. Le mandat est renouvelable une seule fois. »

Qu’aux termes de l’article 36 « La vacance de la Présidence de la République n’est ouverte que par le décès, la démission, la destitution, la condamnation du Président ou par son empêchement définitif d ‘exercer ses fonctions conformément aux devoirs de sa charge. » ;

Considérant que la Constitution du 30 mars 2016 dispose en son article 68 :

« Le Peuple Centrafricain élit, au suffrage universel direct pour un mandat de cinq (5) ans, des citoyens qui constituent l’Assemblée Nationale et qui portent le titre de DEPUTE.

Le mandat du Député ne peut être écourté que par la dissolution de l ‘Assemblée Nationale, la démission, la radiation ou la déchéance dudit Député » ;

Considérant que suite aux élections intervenues à l’issue de la Transition, le Président de la République a été installé le 30 mars 2016 ;

Que l’Assemblée Nationale a été installée le 3 mai 2016 ;

Considérant qu’à l’issue des cinq ans de mandat, de nouvelles élections ont été organisées ;

Que le second mandat du Président de la République a commencé à courir le 30 mars 2021 et s’achèvera le 30 mars 2026 et celui des députés le 3 mai 2021 et s’achèvera le 3 mai 2026 » ;

Qu’à l’exception des cas autorisés par les articles cités ci-dessus les mandats du Président de la République ct des députés ne peuvent être écourtés ;

Considérant que l’abrogation d’un texte ou d’une norme met fin à son existence pour l’avenir ;

Qu’il en est ainsi de l’abrogation d’une Constitution, la nouvelle Constitution adoptée entrant en vigueur dès sa promulgation ;

Qu’en conséquence de l’abrogation et de l’entrée en vigueur d’une nouvelle Constitution, les mandats électifs en cours du Président de la République et des députés seront abrogés et que de nouvelles élections devront être organisées ;

Que les dispositions transitoires d’usage fixent les modalités d’entrée en vigueur et régissent le passage de l’ancien ordre constitutionnel au nouvel ordre constitutionnel et que ces dispositions « transitoires » fixent des délais courts d’exécution ;

Considérant qu’une période transitoire ne peut s’éterniser et dans le cas d’espèce ne pourrait couvrir la fin des mandats acquis sous l’empire des dispositions de la Constitution du 30 mars 2016 sous peine de se transformer en Transition ;

Considérant que l’abrogation d’une Constitution survient après un évènement brutal affectant profondément le fonctionnement de l’État tel un coup d’État ou lorsqu’il y a lieu de changer la nature même d ‘un régime politique ;

Considérant qu’aucune de ces situations ne correspond à la situation de la République Centrafricaine ; que suite au coup d’État perpétré en 2013 une Transition a été installée qu’à l’issue de la Transition, la Constitution en vigueur a été adoptée par referendum et promulguée le 30 mars 2016, instaurant un régime démocratique ;

Considérant que la Constitution du 30 mars 2016 n’a pas prévu son abrogation mais une procédure de révision afin d’adapter les dispositions constitutionnelles dans le but de l’amélioration du fonctionnement des Institutions et de l’État ;

Que dans ces conditions, avoir recours à l’abrogation de la Constitution est contraire à l’ordre constitutionnel et constitue un changement anticonstitutionnel ;

Considérant en outre que le décret mettant en place un Comité de rédaction de la Constitution est intitulé « Décret 22.348 portant création du Comité Chargé de rédiger le projet de Constitution de la République Centrafricaine » ;

Que ce décret vise la Constitution du 30 mars et son décret de promulgation ceci en contradiction avec l’intitulé dudit décret ;

Qu’en effet, il n’y a pas lieu de rédiger le projet de Constitution de la République Centrafricaine car cette Constitution existe déjà et est actuellement en vigueur ;

Considérant que le décret N° 22.367 du 12 septembre 2022, le décret N° 22.372 du 14 septembre 2022 et le décret N° 22.378 du 15 septembre 2022 sont les suites et application du décret N’22.348 du 26 août 2022 ;

Qu’en conséquence de tout ce qui précède,

Il y a lieu de déclarer inconstitutionnels et de les annuler :

Le décret N° 22 348 du 26 août 2022 portant création du Comité Chargé de rédiger la Constitution de la République Centrafricaine,
Le décret N° 22.367 du 12 septembre 2022 entérinant la désignation des membres du Comité chargé de rédiger le projet de Constitution de la République Centrafricaine,
Le décret N° 22.372 du 14 septembre 2022 modifiant et complétant certaines dispositions du décret N° 22.367 du 12 septembre 2022 entérinant la désignation des membres du Comité chargé de rédiger le projet de la nouvelle Constitution de la République Centrafricaine, et
Le décret N° 22.378 du 15 septembre 2022 entérinant la désignation par leurs pairs des membres du Bureau du Comité chargé de rédiger le projet de la nouvelle Constitution de la République Centrafricaine.
B) SUR LA PROCEDURE DE REVISION DE LA CONSTITUTION DU 30 MARS 2016 ET LE RECOURS AU REFERENDUM CONSTITUTIONNEL

Sur la suprématie de la Constitution
Considérant qu’aux termes de l’article 159 de la Constitution « La présente Constitution est adoptée par le peuple par référendum et promulguée par le Chef de l’État de la Transition le jour de l’investiture du Président de la République, Chef de l’État, démocratiquement élu.

Elle sera publiée au Journal Officiel et exécutée comme CONSTITUTION DE LA REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE ».

Que le Préambule de la Constitution du 30 mars 2016, dans son paragraphe 5 énonce que LE PEUPLE CENTRAFRICAIN est « résolu à construire un État de droit fondé sur une démocratie pluraliste, le respect de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 151 de la Constitution « L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République et au Parlement statuant à la majorité des deux tiers (2/3) des membres qui composent chaque chambre » ;

Qu’aux termes de l’article 152 « La révision intervient lorsque le projet ou proposition présenté en l’état a été voté par le Parlement réuni en Congrès à la majorité des trois quarts (3/4) des membres qui le composent ou a été adoptée par référendum.

Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie en cas de vacance de la Présidence de la République ou lorsqu’il est porté atteinte à l’unité et à l’intégrité du territoire. »

Qu’aux termes de l’article 153 « Sont expressément exclus de la révision :

La forme républicaine et laïque de l’État ;
Le nombre et la durée des mandats présidentiels ;
Les conditions d’éligibilité ;
Les incompatibilités aux fonctions de Président de la République ;
Les droits fondamentaux du citoyen ;
Les dispositions du présent article. »
Qu’aux termes de l’article 90 de la Constitution : « Le Président de la République, après consultation du Président de la Cour Constitutionnelle, du Président de l’Assemblée Nationale et du Président du Sénat, peut soumettre au référendum tout projet de réforme qui, bien que relevant du domaine de la loi, serait susceptible d’avoir des répercussions profondes sur l’avenir de la Nation et les Institutions nationales.

L’organisation des pouvoirs publics ou la révision de la Constitution ;
Une loi détermine les procédures du référendum. » ;

Qu’aux termes de l’article 105 : « Les projets ou propositions de loi constitutionnelle sont déférés pour avis à la Cour constitutionnelle par le Président de la République, le Président de l’Assemblée Nationale ou le Président du Sénat avant d ‘être soumis au vote du Parlement ou au référendum. » ;

Que l’article 23 de cette même Constitution ajoute « Toute personne habitant le territoire national a le devoir de respecter, en toutes circonstances, la Constitution, les lois et règlements de la République. » ;

Considérant qu’en application des dispositions sus citées, la Constitution du 30 mars 2016 est la Constitution de la République Centrafricaine ; que le PEUPLE CENTRAFRICAIN SOUVERAIN l’a placée au sommet de la hiérarchie des normes ; qu’ainsi, s’imposant à tous, elle demeure le fondement de toute légitimité et de l’ordre constitutionnel en République Centrafricaine ;

Sur l’initiative de la révision de la Constitution
Considérant que l’article 151 de la Constitution précise que l’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République et au Parlement statuant à la majorité des deux tiers (2/3) des membres qui composent chaque chambre ;

Qu’ainsi l’initiative populaire de la révision constitutionnelle n’est pas prévue dans la Constitution ; et que la souveraineté du peuple n’est exprimée selon les termes de l’article 26 alinéa 1 que par voie de référendum ou par l’intermédiaire de ses Représentants ;

Qu’en conséquence, tant une pétition qu’une manifestation de la société civile ne sont l’expression de la Souveraineté et de la volonté du Peuple ;

Sur les préalables à la révision de la Constitution
Considérant que l’article 152 de la Constitution précise que la révision intervient lorsque le projet ou proposition présenté en l’état a été voté par le Parlement réuni en Congrès à la majorité de:; trois quarts (3/4) des membres qui le composent ou a été adoptée par référendum et qu’aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie en cas de vacance de la Présidence de la République ou lorsqu’il est porté atteinte à l’unité et à l’intégrité du territoire;

Considérant que ces limitations font obstacle à toute révision constitutionnelle en fonction des circonstances visées ;

Qu’en ce qui concerne les limitations circonstancielles, il y aura lieu de déterminer au moment de lancer une procédure de révision s’il n’est pas porté atteinte à l’unité et à l’intégrité du territoire, qu’à ce stade la question soulevée est prématurée ;

Considérant que l’article 63 de la Constitution dispose « Le Pouvoir Législatif est exercé par un Parlement qui comprend deux (2) chambres :

l ‘Assemblée Nationale ,-
le Sénat. »
Qu’aux termes de l’article 65 de la Constitution du 30 mars 2016, « Les deux chambres du Parlement peuvent se réunir en congrès, à la demande du Président de la République pour :

Entendre une communication ou recevoir un message du Président de la République ;
Se prononcer sur un projet ou une proposition de révision constitutionnelle »;
Que l’article 151 de la Constitution stipule que l’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République et au Parlement statuant à la majorité des deux tiers (2/3) des membres qui composent chaque chambre et que l’article 152 ajoute que la révision intervient lorsque le projet ou proposition présenté en l’état a été voté par le Parlement réuni en Congrès à la majorité des trois quarts (3/4) des membres qui le composent ou a été adoptée par référendum ;

Considérant que le pouvoir constituant dérivé, différent du pouvoir législatif, est ainsi détenu par le Parlement composé de l’Assemblée Nationale et du Sénat ;

Qu’en ce qui concerne l’initiative de révision de la Constitution, l’article 151 de la Constitution exige une délibération du Parlement statuant à la majorité des deux tiers (2/3) des membres qui composent chaque Chambre ;

Que la mise en place du Sénat est donc nécessaire pour opérer une révision de la Constitution ;

Que le Sénat n’étant pas encore mis en place, il y a donc impossibilité de réunir les deux Chambres requises.

Sur les exclusions à la révision les limitations matérielles
Considérant que l’article 153 de la Constitution détermine les exclusions à la révision de la Constitution ;

Considérant que les dispositions constitutionnelles ci-dessus citées définissent rigoureusement le cadre juridique de la révision de la Constitution ;

Que la révision constitutionnelle est une procédure servant à modifier certaines dispositions de la Constitution, que le but recherché à travers cette procédure est l’amélioration de la loi fondamentale en vue de son adaptation aux changements substantiels ;

Qu’ainsi le pouvoir de révision est fondamentalement considéré comme étant par nature limité en ce que la révision est partielle et doit être opérée selon la procédure prévue;

Considérant que la Constitution du 30 mars 2016 a inscrit expressément des exclusions à la révision constitutionnelle ;

Considérant que le Parlement, composé des députés et des sénateurs, ne peuvent contrevenir à ces dispositions sauf à trahir la volonté du Peuple souverain qu’ils représentent ;

Considérant que l’initiative de la révision de la Constitution appartient également au Président de la République ;

Que l’initiative du recours au referendum appartient au Président de la République en application des articles 41 et 90 de la Constitution ;

Considérant cependant que l’article 38 de la Constitution fixe le serment du Président de la République ;

Qu’en application de l’article 38 de la Constitution, lors de son entrée en fonction, debout, découvert, la main gauche posée sur la Constitution et la main droite levée, le Président de la République prête le serment ci-après en sango, puis en français, devant la Cour Constitutionnelle siégeant en audience solennelle :

« MOI …. …. JE JURE DEVANT DIEU ET DEVANT LA NATION D’OBSERVER SCRUPULEUSEMENT LA CONSTITUTION, DE GARANTIR L’INDEPENDANCE ET LA PERENNITE DE LA REPUBLIQUE, DE SAUVEGARDER L’INTEGRITE DU TERRITOIRE, DE PRESERVER LA PAIX, DE CONSOLIDER L’ UNITE NATIONALE, D’ASSURER LE BIEN ETRE DU PEUPLE CENTRAFRICAIN, DE REMPLIR CONSCIENCIEUSEMENT LES DEVOIRS DE MA CHARGE SANS AUCUNE CONSIDERATION D’ORDRE ETHNIQUE, REGIONAL OU CONFESSIONNEL, DE NE JAMAIS EXERCER LES POUVOIRS QUI ME SONT DEVOLUS PAR LA CONSTITUTION A DES FINS PERSONNELLES NI DE REVISER LE NOMBRE ET LA DUREE DE MON MANDAT ET DE N’ETRE GUIDE EN TOUT QUE PAR L’INTERÊT NATIONAL ET LA DIGNITE DU PEUPLE CENTRAFRICAIN».

Considérant que le Président de la République a prêté serment sur la Constitution « devant Dieu et devant la Nation » le 30 mars 2016 et le 30 mars 2021 devant la Cour Constitutionnelle en application de l’article 38 de la Constitution ;

Considérant qu’aucune disposition de la Constitution ne permet de le délier de son serment et que le délier du serment prêté devant Dieu n’est pas du ressort des Institutions laïques ;

Qu’il ne peut ainsi, du fait de ce serment, contrevenir aux dispositions intangibles de l’article 153, même par recours au referendum, s’étant engagé, par son serment, à les respecter ;

Sur la loi sur les procédures référendaires
Considérant qu’en application de l’article 90 de la Constitution, une loi doit déterminer les procédures du referendum ;

Considérant que cette loi n’a pas encore été adoptée ;

EN CONSEQUENCE DE TOUT CE QUI PRECEDE IL Y A LIEU DE DIRE

Que l’abrogation de la Constitution et la rédaction d’ une nouvelle Constitution est inconstitutionnelle et qu’il convient d’annuler les décrets organisant la rédaction d ‘ une nouvelle Constitution; que la révision de la Constitution du 30 mars 20 16 est prévue par celle-ci mais qu’elle exclut la révision des dispositions intangibles fixées par l’article 153 de la Constitution par simple loi constitutionnelle, que ces exclusions s’imposent à l’actuel Président de la République par le serment prêté lors de son investiture et qu’ il ne peut y contrevenir en sa faveur même par recours au referendum; que la condition préalable à la révision relative à l’unité nationale et à l’intégrité du territoire ne pourra être appréciée qu’au moment de la révision; que le recours au referendum dans le cadre d’une révision de certaines dispositions constitutionnelles nécessite au préalable l’adoption de la loi organique sur les procédures référendaires et que toute révision ne peut être entamée qu’après la mise en place du Sénat.

DECIDE

Art. l : La Cour est compétente.

Art. 2 : Les requêtes sont recevables à l’exception des requêtes d’Héritier Bonheur DONENG WANZOUMON et de Joseph BENDOUNGA.

Art.3 : Ordonne la jonction des procédures.

Art. 4 : Le décret 22 348 du 26 août 2022 portant création du Comité chargé de rédiger la Constitution de la République Centrafricaine, le décret N° 22.367 du 12 septembre 2022 entérinant la désignation des membres du Comité chargé de rédiger le projet de la Constitution de la République Centrafricaine, le décret 22.372 du 14 septembre 2022 modifiant et complétant certaines dispositions du décret 22.367 du 12 septembre 2022 entérinant la désignation des membres du Comité chargé de rédiger le projet de la nouvelle Constitution de la République Centrafricaine et le décret N° 22.378 du 15 septembre 2022 entérinant la désignation par leurs pairs des membres du Bureau du Comité chargé de rédiger le projet de la nouvelle Constitution de la République Centrafricaine, sont inconstitutionnels et sont annulés.

Art. 5 : La révision de la Constitution ne peut être opérée qu’après la mise en place du Sénat en application des articles 151 et 152 de la Constitution.

Art. 6 : La question de l’atteinte à l’unité nationale et à l’intégrité du territoire contenue dans l’article 152 alinéa 2 doit être examinée au moment du recours à la révision de la Constitution, et est donc prématurée.

Art. 7 : Une loi constitutionnelle de révision de la Constitution adoptée par le Parlement ne peut à elle seule, contrevenir aux dispositions intangibles contenues dans l’article 153 de la Constitution.

Art. 9 : Le recours au referendum est déterminé par l’adoption préalable de la loi organique sur les procédures référendaires en application de l’article 90 de la Constitution.

Art. 9 : L’initiative du referendum pour la révision de la Constitution appartient au Président de la République en application des articles 41 et 90 de la Constitution.

Art. 10 : Le recours au referendum pour la révision de la Constitution par le Président de la République ne peut se faire en violation du serment prêté par le Président démocratiquement élu le 30 mars 2016 et réitéré le 30 mars 2021en application de l’article 38 de la Constitution.

Art. 11 : Les décisions de la Cour Constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours, elles s’imposent aux Pouvoirs Publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et à toute personne physique ou morale. Tout texte déclaré inconstitutionnel est nul et de nul effet ; il ne peut être ni promulgué ni appliqué. S’il est en vigueur, il est retiré de l’ordonnancement juridique en application de l’article 106 de la Constitution.

Art.12 : Les décisions de la Cour Constitutionnelle prennent effet à compter de leur prononcé en application de l’article 19 de la loi N°17.004 du 15 février 2017 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle.

Art. 13 : La présente décision sera notifiée au Président de la République, au Président de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, au Ministre chargé du Secrétariat Général du Gouvernement et des Relations avec les Institutions de la République, aux requérants et publiée au Journal Officiel de la République Centrafricaine.

Ainsi délibéré et décidé par la Cour Constitutionnelle en sa séance du 23 Septembre 2022 ;

Où siégeaient :

Danièle DARLAN, Président – Jean-Pierre WABOE, Vice-président – Georges Mathurin OUAGALET, Membre – Sylvie NAISSEM, Membre –Trinité BANGO-SANGAFIO, Membre –‑ Sylvia Pauline YAWET-KENGUELEOUA, Membre – Martin KONGBETO GBOGORO, Membre.

Assistés de Maître Apollinaire NAMKOÏNA, Greffier en Chef.
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