Cette semaine, Gilles Yabi revient sur la journée noire du 20 octobre 2022 au Tchad et sur le limogeage de la présidente de la Cour constitutionnelle de la République centrafricaine. À travers ces deux faits, il rappelle que les choix individuels des personnalités qui occupent de hautes fonctions construisent ou détruisent des institutions cruciales pour l’avenir d’un pays.
Au Tchad, cette journée meurtrière du 20 octobre pendant laquelle entre 50 et 150 personnes ont été tuées, selon les chiffres toujours irréconciliables des différentes parties. Selon le Comité des Nations unies contre la torture, on dénombre entre 150 et 180 personnes portées disparues, plus de 1 300 personnes arrêtées et entre 600 à 1 100 personnes déportées dans la prison de haute sécurité de Koro Toro. Dans ce contexte, la voix d’une autorité religieuse, l’évêque de Moundou, s’est fait entendre, claire et forte, à l’occasion de la visite de deux ministres en tournée dite de sensibilisation sur la paix et la réconciliation nationale. L’évêque de cette ville, Mgr Joachim Kouraleyo a déclaré : « Vous êtes venus dire aux gens de vivre ensemble, voilà une manœuvre de diversion. Les gens ne se sont pas battus entre eux, du moins pour la ville de Moundou à ce que je sache. Les gens n’ont pas besoin d’être réconciliés par vous. La vérité du 20 octobre, c’est que des citoyens ont manifesté leur mécontentement face aux injustices et face à la volonté de la conservation du pouvoir. » Il a appelé ensuite les deux ministres à la démission : « Ne venez pas culpabiliser les victimes. Si vous voulez montrer que vous avez encore un peu de dignité, démissionnez. Démissionnez de ce gouvernement parce que ce qui s’est passé, tout le monde sait, tout le monde a vu. »
Il fallait que quelqu’un le dise pour mettre les personnalités associées au pouvoir face à leurs responsabilités.
Ce sont des êtres humains qui ont été tués le 20 octobre. À l’instar du journaliste Narcisse Orédjé, âgé de 30 ans, qui a été inhumé le 28 octobre. Les dizaines de jeunes qui sont tombés sous les balles avaient des familles. Ils nourrissaient des rêves d’un avenir meilleur pour eux et pour le Tchad. Les propos de l’évêque auront au moins fait réfléchir les deux ministres. Ils devraient aussi faire réfléchir les autres alliés du régime de Ndjamena qui peuvent être accusés de complicité passive. « Faire le choix du moindre mal, c’est faire le choix du mal », a aussi déclaré l’évêque de Moundou. Il faut espérer que certaines personnalités au plus haut niveau aient compris le message et se posent des questions sur leurs choix individuels.... suite de l'article sur RFI