Palais de l’Elysée : l’intégralité du discours du président de la République , Emmanuel Macron, à l’occasion de la conférence de presse sur le partenariat de la France avec l’Afrique
Merci de noter qu’il s’agit d’un document de travail non diffusable
Emmanuel MACRON
Mesdames, Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs les ambassadeurs, Mesdames, Messieurs les parlementaires, Monsieur le chef d’Etat-Major,
Mesdames, Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités,
Merci beaucoup d’être là, aujourd’hui, dans une formation qui, si je puis dire, assez originale. Puisqu’il y a, tout à la fois des journalistes, à Paris, à Libreville, et dans l’ensemble des capitales de la tournée africaine qui commencera dès mercredi ; mais il y a ici, à l’Elysée, les actrices et acteurs de notre action collective sur le continent africain.
Et j’assume pleinement de m’exprimer avant cette tournée depuis Paris, à vos côtés, pour essayer de donner le sens de ce que nous sommes en train d’essayer de faire depuis mainte na nt un peu plus de cinq ans. Et essayer de dire avec qui ? pourquoi ? et comment ? Et l’objectif que nous devons poursuivre est d’avoir une politique plus simple, plus lisible, en faisant mieux travailler l’ensemble des administrations de l’Etat de ces partenaires, mais avoir aussi une politiq ue qui associe pleineme nt les entrepreneuses et entrepreneurs, les innovate urs, le s sportifs, les artistes, les scientifiques, dans cette politique qui a vocation à ne pas être simplement de gouvernement à gouvernement, mais qui doit pleinement assumer de traiter avec la société civile des différents pays d’Afrique. Et sont là réunis bon nombre d’acteurs de notre politique avec l’Afrique qui, pour une bonne partie d’entre eux, vont avoir à m’accompagner dans ce déplacement à venir à partir de mercredi, ou qui ont pu m’accompagner dans des voyages précédents.
Alors, il y a un peu moins de six ans, en novembre 2017, dans un amphithéâtre de l’université Joseph Ki-Zerbo à Ouagadougou, j’avais débuté mon discours en citant les mots de Thomas Sankara et en annonçant qu’il n’y avait plus de politique africaine de la France. Ces mots sont toujours d’actualité. Mais ils ne sont certainement plus suffisants face aux bouleversements et aux transformations profondes que nous avons vécu ces dernières années.
Le temps passé sur le continent africain est irremplaçable. J’y ai effectué dix-sept déplacements, été accueilli dans vingt-et-un pays. Du Shrine de Lagos aux églises de Lalibela, sans compter les multiples entretiens menés avec nos partenaires africains à Paris et à travers le monde. Je n’en retirerai aucune considération générale, car une réalité unique africaine n’existe que dans bon nombre de schémas simplificateurs. J’en retirerai une seule exigence, celle de faire preuve d’une profonde humilité face à ce qui se joue sur le continent africain.
Une situation sans précédent dans l’histoire : traiter en même temps, et dans l’urgence, une somme de défis vertigineux. Défis sécuritaire, climatique, aux défis démographiques avec la jeunesse qui arrive et à laquelle il faut offrir, proposer, un avenir pour chacun des Etats africains. Consolider des Etats et des administrations, investir massivement dans l’éducation, la santé, l’emploi, la formation, la transition énergétique. Tout cela donc en étant confronté davantage que d’autres à la pression du changement climatique et de ses effets, à l’offensive du terrorisme, aux chocs économiques, sanitaires et géopolitiques. Je crois pouvoir dire qu’aucune région au monde n’a été soumise à cette obligation de résultat en l’espace d’une à deux générations comme le continent africain l’est aujourd’hui.
C’est pour cette raison qu’à quelques jours de ce déplacement, à nouveau sur le continent africain, j’ai jugé que la priorité n’était pas de faire un nouveau discours sur le sol africain mais d’essayer, de la manière la plus claire, de défendre ce que nous y faisons et la cohérence de notre action et de renforcer aussi cette envie d’Afrique en France. C’est pourquoi beaucoup de chefs d’entreprises, de scientifiq ues, d’artistes et de sportifs sont aussi présents aujourd’ hu i. Nous devons en effet collectivement prendre la mesure des défis qui sont si proches de nous, non pas pour nous projeter dans des prédictions apocalyptiq ues ou dans des paniq ue s anxiogè nes.
J’ai pu parfois le constater à chacun de mes déplacements, la terre africaine est tout sauf une terre d’angoisse et de résignation. Elle est une terre d’optimisme et de volontarisme.
Cette proximité, cette énergie, doivent nous inspirer et nous inciter à réaliser la force de notre atout d’être les voisins de l’Afrique et de compter encore parmi les pays qui ont un lien unique, humain, existentiel avec ce continent, ce qui est une chance. Nous avons un destin lié avec le continent africain.
Si nous savons saisir cette chance, nous avons l’opportunité de nous arrimer au continent qui, progressivement, sera aussi l’un des marchés économiques les plus jeunes et dynamiques du monde et qui sera l’un des grands foyers de la croissance mondiale dans les décennies qui viennent. Mais aussi parce que notre jeunesse écoute aujourd’hui une musique congolaise, nigériane, ivoirienne, créée et produite sur le continent africain. Et parce que ce n’est que la préfiguration d’une puissance culturelle, économique, scientifique, politique, africaine, qui va continuer de se déployer. Notre croissance économique aussi, et nous Européens, nos échanges, nos emplois vont dépendre, de plus en plus, de l’Afrique. Ce n’est ni une bonne, ni une mauvaise nouvelle, c’est un fait. Et tout dépendra de ce que nous en faisons.
C’est pourquoi je suis convaincu que le moment est venu de faire un choix et de savoir quel rapport nous voulons entretenir avec les pays africains. Et au fond, quand j’essaie de suivre l’actualité, ce qui m’arrive, et de lire la qualification du moment que nous sommes en train de vivre, qui est très clairement un entre deux parce que nous héritons de beaucoup de difficultés historiques et nous sommes dans un moment de transition sans avoir pleinement réalisé, je vais y revenir, le début de la transition commencée.
Au fond, beaucoup voudraient nous inciter à rentrer dans une compétition, c’est la première voie. Une compétition que je considère pour ma part anachronique. C’est le piège qui consisterait à répondre à l’injonction de puissance ou à l’appel de démonstrations de force. Regardez, certains arrivent avec leur armée ou leurs mercenaires ici et là. Plongez-y, vous Français, c’est là que vous êtes attendus, c’est le rôle qui est le vôtre. Allez faire la compétitio n avec eux, vous êtes attendus là. Je ne le crois pas. C’est le confort des grilles de lecture du passé, mesurant notre influence au nombre de nos opérations militaires ; ou nous satisfaire de liens privilégiés et exclusifs avec des dirigeants ou considérer que des marchés économiques nous reviennent de droit parce que nous étions là avant ; ou jouer des coudes pour nous placer seul au centre du jeu. Ce temps-là a vécu.
Ma conviction, c’est que cette voie est désormais une impasse. Ceux qui la prônent sont plutôt les tenants d’une nostalgie et c’est précisément celle avec laquelle nous avons voulu rompre dès 2017, mais sans avoir encore tous les moyens d’en solder le passif. C’est la chronique de notre dernière décennie d’engagement au Mali, au prix du sacrifice ultime.
Nos soldats y ont, aux côtés des militaires maliens et des armées africaines, remporté des victoires contre les groupes terroristes. Et je veux ici rendre hommage à la mémoire de nos soldats, de nos blessés, comme de ceux qui sont tombés là-bas. Cela a été et restera une imme nse fierté partagée avec les Alliés qui nous ont rejoint. Mais ce n’était pas le rôle de nos soldats. Ce n’était pas le rôle de la France d’apporter seule des réponses politiques qui devaient prendre le relai de la réponse militaire. Nous avons pourtant, malgré nous, assumé une responsabilité exorbitante. Cela nous vaut aujourd’hui d’être l’objet par amalgame du rejet qui frappe une classe politique malienne qui a échoué à redresser son pays et c’est ce piège qui pourrait, si nous n’y prenons pas garde se reproduire ailleurs.
C’est pourquoi en aucun cas je ne laisserai le sacrifice de nos militaires être à nouveau entaché du même amalgame et en aucun cas, je ne laisserai se reproduire cette situation où par un engrenage de déresponsabilisation et de substitution, la France devient le bouc émissaire idéal.
Pour éviter la répétition de l’histoire, il existe une autre voie que nous poursuivons désormais depuissixans.Uneautrevoiequiconsisteànepasréduirel’Afrique àunterraindecompétition ou de rente et à considérer les pays africains comme des partenaires avec qui nous avons des intérêts et des responsabilités partagées. Et, au fond, de bâtir une nouvelle relation, équilibrée, réciproque et responsable.
Ce cap, c’est l’agenda fixé à Ouagadougou en 2017 et nous l’avons tenu. Nous avons tenu nos engagements en regardant notre passé en face, au Rwanda, en Algérie, au Cameroun, avec une commission franco-camerounaise qui va débuter ses travaux. Nous les avons obtenus en réformant le franc CFA, en nous retirant de la gouvernance de la zone UMOA et en faisant la démonstrat io n que cette monnaie est bien une monnaie africaine qui pourra, si le s gouvernements de la CEDEAO le souhaitent, préfigurer une monnaie unique qui prendra un autre nom. Nous y sommes prêts.
Nous les avons tenus en soutenant, face à la pandémie du Covid-19, l’excellence scientifique africaine : celle du Centre de crise africain, celle de l’Institut Pasteur de Dakar et celle de l’Institut national de recherche biologique du professeur MUYEMBE, auquel j’aurai le privilè ge de rendre visite dans quelques jours, mais en développant aussi des centres de production de vaccins, comme nous l’avons lancé en Afrique du Sud et dans plusieurs autres pays.
Nous avons tenu nos engagements en matière sportive en bâtissant des partenariats nouveaux pour déployer, former des sportifs sur le continent africain et déployer des infrastructures sportives. Et nous allons continuer de le faire et de l’accélérer du football au judo en passant par le basket et tant d’autres sports.
Nous avons tenu nos engagements en accélérant grâce à la ténacité N’Goné FALL et à la saison Africa 2020 le changement de regard de la France sur le continent africain y compris dans nos écoles et nos manuels scolaires. Nous allons poursuivre ce mouvement de reconnexion avec la création contemporaine africaine dans toutes ses composantes. En France, ce sera la mission de la future maison des mondes africains qui organisera à l’automne prochain un forum sur les industries culturelles et créatives africaines. Sur le continent africain, ce sera le rôle de nos instituts culturels, de notre réseau de coopération, de nos alliances françaises, de redevenir le creuset de cette intimité franco-africaine et de ce changement de regard.
Nos instituts doivent-être les lieux où tout le monde vient et où l’on prend tous les risques. Ce sont d’ailleurs les lieux où commence le rayonnement d’un Fela KUTI ou, puisque nous serons à Kinshasa dans quelques jours, d’un Papa WEMBA ou encore d’un peintre moqué, qui ont connu leur premier succès et leur première reconnaissance. C’est la force de ce réseau et c’est celle que nous voulons continuer d’avoir.
Nous avons aussi tenu les engagements de Ouagadougou en procédant, grâce à l’éclairage intellectuel de Bénédicte SAVOY et Felwine SARR et au travail des équipes du Quai-Branly, à la restitution au Bénin des œuvres du trésor d’Abomey. Nous irons plus loin puisqu’une loi- cadre sera proposée dans les prochaines semaines par la ministre de la Culture à notre Parlement. A partir des préconisations du travail réalisé par Jean-Luc MARTINEZ, que je remercie, cette loi-cadre permettra de fixer avec notre représentation nationale la méthodologie et les critères pour procéder à de nouvelles restitutions au profit des pays africains qui le demandent et reposant sur un partenariat culturel scientifique pour accueillir et conserver ces œuvres. La Côte d’Ivoire l’a déjà fait. Je souhaite que cette démarche puisse s’inscrire dans une dynamique plus large et européenne, à l’image du fonds franco-allemand que nous avons lancé pour développer les recherches de provenance sur les œuvres africaines entrées dans nos collections.
Nous avons aussi, durant ces années, soutenu l’entrepreneuriat africain en y consacrant plus de 3 milliards d’euros entre 2019 et 2022 au travers de l’initiative Choose Africa. Nous allons amplifier cet effort en ciblant davantage les entrepreneurs français et africains qui sont confrontés au risque et qui n’arrivent pas à accéder au crédit ou au capital de quelques centaines de milliers d’euros qui débloqueraient leur situation. C’est précisément l’objectif de MEET Africa 2 — je sais que plusieurs qui ont été sélectionnés sont ici présents — qui permet d’accompagner celles et ceux qui ont des projets plus risqués. Et ce sera le rôle aussi de notre Banque Publique d’Investissement et de l’Agence Française de Développement de porter ensemble un nouveau programme, Choose Africa 2, qui sera dédié à cet effort et qui, en particulier en matière de culture, de sport, d’agriculture et de digital, reprenant tout ce que nous avons fait avec Digital Africa ces dernières années, démultipliera les opportunités. Nous dérisquerons davantage les investissements français en Afrique avec ces mécanismes et nous accélérerons la croissance des petites entreprises africaines qui sont à la frontière entre l’économie formelle et informelle. Et sur le modèle de ce que le Sénégal a réussi, et comme nous avons commencé à le faire dans plusieurs pays africains, cette initiative sera également un levier pour appuyer une véritable politique d’innovation avec tous les pays volontaires.
Enfin, nous avons ces dernières années, posé les bases d’un axe euro-africain qui s’est incarné lors du sommet de Bruxelles en février 2022, sous Présidence française. Et c’est en nous appuyant sur cet axe euro-africain que nous avons obtenu à Paris en mai 2021, dans le Sommet sur le financement des économies africaines de Paris, le déblocage et le redéploiement des droits de tirage spéciaux au bénéfice de l’Afrique. Nous avons également lancé la production de vaccins aussi sur le continent africain, avec l’Afrique du Sud notamment, comme je l’évoquais tout à l’heure. C’est aussi pour ça que je me réjouis de pouvoir compter sur l’engagement du commissaire Thierry BRETON et de la commissaire européenne Jutta URPILAINEN présents à nos côtés dans quelques jours en RDC. C’est une véritable équipe européenne que nous souhaitons mettre en place.
Vous le voyez, en brossant ce tableau général, si je puis dire, je veux ici dire combien nous avons bousculé des choses qui paraissaient des tabous complets ces dernières années. Quand j’étais dans cette même université à Ouagadougou, tous les étudiants m’interrogeaient, me parlaient du franc CFA, de la restitution des œuvres d’art, de notre incapacité à accompagner l’entreprenariat africain. Tout cela, nous l’avons mis en place ces dernières années avec force et engagement. Malgré tout, il nous faut être lucide, nous ne sommes aujourd’hui qu’au milieu du gué. C’est une situation très inconfortable où nous continuons à être, en quelque sorte, comptables du passé, avec une politique qui a décidé très clairement de changer et qui a parfois perdu des soutiens qui étaient bien utiles, parce que nous voulions changer de méthode sans que nous ayons pleinement les résultats de la politique que nous avions lancé.
Et donc nous sommes en effet comptables du passé sans avoir encore totalement convaincu sur les contours de notre avenir commun. C’est pour cette raison que le déplacement que nous allons entreprendre ensemble dans quelques jours est si important. Il intervient au moment où nous clôturons un cycle de notre Histoire en Afrique et un cycle qui a été marqué, à mes yeux, par deux choses que nous allons bousculer.
Premièrement, marqué par la centralité de la question sécuritaire et militaire et la préémine nce du sécuritaire comme cadre. Cette prééminence, le rôle qu’elle a continué d’avoir, a été une ombre portée encore une fois ces dernières années ou un prétexte utilisé par beaucoup de nos opposants ou de celles et ceux qui voulaient pousser leur propre propagande pour dire : “La France est là et n’a qu’un agenda sécuritaire”. L’objectif de cette nouvelle phase dans laquelle nous rentrons, de cette nouvelle ère, est de déployer sous forme partenariale notre présence sécuritaire pour qu’elle s’insère dans ce nouveau partenariat. Je remercie le ministre des Armées et le chef d’état-major des armées pour le travail fait ces derniers mois pour véritablement penser et préparer ce nouveau partenariat sécuritaire. Je vais y revenir.
Le deuxième grand changement que nous allons faire, c’est passer d’une logique d’aide à une logique d’investissement solidaire et partenariale. Je crois que c’est à cette condition, en continuant et en amplifiant l’action qui a déjà été lancée, que nous pourrons conjurer cette opposition qui est en train de s’installer entre un Nord supposément occidental et un Sud global qui n’auraient plus de logiciel commun. Je crois profondément que c’est faux et nous devons démontrer le contraire. Nous l’avons démontré par une méthode nouvelle que nous avons là aussi commencée. Le G7 de Biarritz a été préparé avec les pays africains que j’avais invité. Comme on l’a fait aussi au G20 de Bali, où on a réuni l’ensemble des pays africains avant le début des travaux pour œuvrer ensemble par une conversation en quelque sorte permanente. C’est exactement la même chose que nous avons fait, quand nous avons lancé l’initiative ACT- A, conçue avec le bureau de l’Union africaine, dans un dialogue, là aussi inédit. Et c’est la même chose que nous allons faire.
Pour moi, lors du sommet que nous allons organiser le 23 juin à Paris, nous allons consolider ce passage de la logique d’aide à celle d’investissement solidaire. Sur le nouveau partenariat Sud-Nord précisément parce que c’est avec l’Afrique, mais aussi avec l’Inde, la Barbade, que nous pourrons inventer un nouveau pacte pour dessiner une nouvelle architecture financière internationale permettant de lutter contre les inégalités, de financer la transition climatique. Et donc, pour moi, le moment que nous sommes en train d’inaugurer consiste à aller au bout du changement, d’être exigeants avec nous-mêmes et d’accepter de nous débarrasser pour de bon de réflexes, d’habitudes et d’un langage qui sont aujourd’hui en quelque sorte notre handicap. D’adopter une posture résolument plus claire de modestie, d’écoute et d’ambition. Au fond, de dire très clairement dans tous ces domaines que l’Afrique n’est pas un pré carré et encore moins un continent auquel les Européens et les Français pourraient dicter un cadre de développeme nt, mais que c’est un continent où nous devons bâtir des relations respectueuses, équilibrées, responsables pour lutter ensemble sur des causes communes telles que le climat. Et c’est pour moi les termes mêmes de ce partenariat renouvelé que nous souhaitons, qui est l’inverse des logiques de prédation, qu’elles soient militaires et sécuritaires ou qu’elles soient financières, poussées aujourd’hui par d’autres pays.
Alors, pour réussir ce modèle de partenariat, il nous faut d’abord bâtir un nouveau modèle de partenariat militaire. C’est tout le travail que nous avons conduit ces derniers mois d’abord en le concevant, puis en le discutant et le travaillant avec nos partenaires africains. J’ai reçu ici même, ces dernières semaines, l’ensemble des dirigeants concernés. Le ministre et le CEMA ont commencé des échanges. Une tournée va se poursuivre. Au fond, la logique, c’est que notre modèle ne doit plus être celui de bases militaires telles qu’elles existent aujourd’hui. Demain, notre présence s’inscrira au sein de bases, d’écoles, d’académies qui seront cogérées, fonctionnant avec des effectifs français qui demeureront, mais à des niveaux moindres et des effectifs africains qui pourront aussi accueillir, si nos partenaires africains le souhaitent et à leurs conditions, d’autres partenaires.
Conformément aux échanges que j’ai eus ces dernières semaines avec mes homologues, cette transformation débutera dans les prochains mois sur le principe même de la co-construction, avec une diminution visible de nos effectifs et, de manière concomitante, une montée en puissance de la présence dans ces bases de nos partenaires africains.
Elle suppose que nos partenaires africains formule nt très claireme nt leur besoin milita ire et sécuritaire, qu’ensuite nous accroissions notre offre de formation, d’accompagnement, d’équipement au meilleur niveau. Et ce partenariat nous permettra ainsi de bâtir de nouveau modèle d’intimité et d’imbrication entre nos armées qui se traduira par un effort accru de la France en matière, comme je le disais, de formation et d’équipement.
Deuxièmement, ce nouveau partenariat, cette transformation suppose de changer notre manière de faire et de communiquer sur ce que nous déployons, d’abord en étant plus réactif, plus visib le et par conséquent plus lisible. Il faut là-dessus assumer nos échecs, mais il faut aussi assumer mieux notre succès. Et force est de constater que nous avons sans doute un défaut. Nous, Français, nous sommes trop divisés. Et la logique de boutique l’emporte trop souvent sur la logique d’équipe de France. Nous devons agir tous ensemble pour que ce soit visible et pour que la France, quelle que soit l’entité, qu’elle soit administrative ou l’entreprise, apporte des solutions concrètes qui permettent dans un pays, de répondre à un besoin de la jeunesse pour mieux éduquer, pour répondre à des problèmes énergétiques ou de transition climatique, pour répondre à des besoins sportifs, il est clair que ce soit l’équipe de France, qu’il l’ait mise en place.
Nous sommes divisés, nous sommes donc trop peu lisibles, pas assez concrets sans doute. Et donc il nous faut dans les prochains temps changer notre méthode, déployer des projets plus concrets, tangibles et surtout là où nos partenaires nous attendent. L’éducation, mais pas simplement en bâtissant des murs, en accroissant notre offre de formation des enseignants et de qualité des enseignants, en bâtissant une offre accrue dans la formation professionnelle, demandes de beaucoup de pays, y compris nombre d’entre eux chez qui nous étions peu présents. Formation professionne l le, santé, climat, égalité femme - homme, soutien à l’entreprenariat, la culture, le numérique. Par cette nouvelle méthode, nous devons simplifier notre offre et être beaucoup plus concret à l’écoute, travailler davantage avec la société civile et apporter une offre qui soit de la meilleure qualité possible, et le faire, avec au fond, deux réflexes nouveaux : descendre dans l’arène, comme nous l’avons fait lors du sommet de Montpellier en revendiquant d’écouter la jeunesse et la société civile africaine, comme la ministre déléguée l’a fait dans ses différentes tournées ces derniers mois, et je l’en remercie. Et ensuite d’embarquer à nos côtés les autres et de jouer à chaque fois que c’est utile en européen ou même en international, ce qui est exactement ce que nous ferons à Libreville dans quelques jours, avec une posture collective. Dès cette année, un premier fonds de 40 millions d’euros sera mis à disposition de nos ambassades dans les pays d’Afrique francophone pour faire la démonstration que nous pouvons faire cette transformation. Et c’est la mission que je donne à nos ambassadrices et ambassadeurs : démontrer que notre partenariat est concret et piloter une communication offensive, au fond, décomplexée mais sans arrogance.
Nous devons aussi aller au bout de cette transformation parce que nous avons des intérêts à défendre. Et je pense que quand on parle d’Afrique, il faut le dire clairement parce que ça va beaucoup mieux en le disant. On ne va pas faire le bien commun. On a des défis communs. Le changement climatique est un défi commun. Essayer que la jeunesse africaine trouve un avenir, est un défi commun, parce que ce sera aussi notre problème si on n’y arrive pas. Mais on va défendre des intérêts et c’est ça un partenariat réciproque et équilibré. On ne prend pas les gens pour des imbéciles. On ne se dit pas « on arrive chez vous parce qu’on va faire le bien chez vous à votre place car vous n’êtes pas capable de savoir ce qui est bon pour vous, de le penser ou de le faire ». Non. On vient défendre nos intérêts et on le fait de manière respectueuse avec les intérêts des pays africains où on se déploie. C’est la logique dans laquelle, d’ailleurs, depuis le début, le Conseil présidentiel pour l’Afrique à chaque fois déployé ses conseils, proposé des mesures et je remercie tous ces membres depuis 2017 pour leur engagement.
Notre intérêt, c’est d’abord la démocratie. La France est un pays qui soutient, en Afrique comme ailleurs, la démocratie et la liberté. Un pays qui parle à tout le monde, y compris aux opposants politiques. Un pays qui préfère les institutions solides aux hommes providentiels. Un pays qui considère que les putschs militaires ne seront jamais des alternances démocratiques. Et, comme le rappellent nombre d’intellectuels africains, la démocratie a également une genèse africaine. Aussi, notre rôle n’est pas d’imposer nos valeurs ou de les proclamer, mais de contribuer à ce que des réseaux d’intellectuels et d’acteurs civiques la fassent vivre en s’inspirant des pratiques démocratiques de leur société. Ce sera le rôle de la Fondation sur l’innovation et la démocratie qui a été créée en fin d’année dernière à Johannesburg et qui rayonnera sur tout le continent et je veux, une fois encore, remercier le professeur Achille MBEMBÉ pour son travail, son engagement, ses propositions et tout ce qu’il a d’ores et déjà bâti avec ses équipes, ce qu’il va continuer de faire. Mais c’est exactement cet esprit-là que nous devons poursuivre. Ne pas abandonner ce qui est, pour moi, un intérêt de la France, la démocratie. Mais le faire de manière respectueuse avec ce qu’est l’histoire du continent et surtout les acteurs qui doivent le porter.
Notre intérêt, c’est évidemment aussi de nous donner une nouvelle ambition économique sur le continent africain. Notre partenariat économique avec le continent africain est, certes, solide, mais je le dis ici avec force et en saluant la présence nombreuse d’une délégation économique de grande qualité et je remercie l’ensemble des présidents, présidentes, directrices et directeurs généraux de grands groupes français de leur présence aujourd’hui, mais nous avons besoin d’être lucides sur notre présence économique sur le continent africain et la manière dont elle est vue.
Nous sommes dans une position qui ne va pas dans la bonne direction. Et c’est pour bonne partie de notre faute parce que nous avons trop souvent eu une logique de rente dans notre rapport au continent africain. On a considéré que parce qu’on était la France, même quand on faisait mal, même quand on était plus cher que les autres, même quand les solutions de financement étaient moins bonnes, on allait continuer d’être pris. C’est une terre de compétition maintenant. Alors, certains font la compétition avec d’autres armes - que je récuse - et on se bat contre quand les financements deviennent eux-mêmes des éléments de fragilité des économies. C’est pourquoi on s’est battu pour qu’il y ait un cadre dans le G20. Mais indépendamment de ça, je le dis parce que je l’ai vu, nous avons aujourd’hui encore trop de nos entreprises qui ne produisent pas les travaux de meilleure qualité parce que c’est l’Afrique. Ça ne marchera plus. Et je vous le dis en toute sincérité, je ne défendrai plus les entreprises qui ne sont pas prêtes à se battre.
Quand le Président de la République va dans un pays où on reçoit un dirigeant et qu’il a un N- 10 à côté de lui, face à un président africain, personne ne peut considérer que c’est une marque de respect. Ce n’est pas pareil quand on va en Allemagne, en Pologne, dans des pays du Golfe, en Chine. L’Afrique est devenue une terre de compétition. Il faut donc qu’on ait un réveil du monde économique français pour se dire « on doit aller s’y battre ». Ce sont les patrons qui doivent y aller quand il y a un grand contrat et quand on prend un contrat, il doit être délivré en temps, en qualité. Et s’il y a des problèmes, il faut qu’on puisse savoir très clairement d’où vient le problème. Je ne dis pas que tout le monde est parfait et parfois nos partenaires africains ne sont pas non plus au rendez-vous de ce qui nous avait promis à tel ou tel endroit de l’administration. C’est une réalité, je sais leur dire. Mais j’ai du mal à leur dire quand nous, on n’est pas au rendez-vous. Et donc là, il faut qu’on ait un réveil collectif sur ce terrain-là parce que d’autres pays qui étaient moins présents pour nous il y a quelques années, qui ne sont pas mieux armés que nous, sont en train de prendre des positions simplement parce qu’ils prennent les pays africains au sérieux.
Je souhaite aussi qu’une nouvelle génération d’entrepreneurs français, africains, franco-africains se projettent dans de nouvelles coopérations et dans une nouvelle philosophie qui doit être celle de la co-industrialisation. C’est le sens même du programme Pass Africa. Je sais qu’il y a plusieurs lauréats qui sont ici présents, qui est un programme à mes yeux très important, qui va nous permettre de développer justement cet entrepreneuriat. Et au fond, c’est cette logique de bâtir aussi d’aider les nouveaux acteurs et de tirer profit dans un sens très pragmatique, du fait que la France est forte de ses diasporas et qu’elle a aussi des réseaux d’entrepreneurs qui ont un pied sur le continent africain, qui le connaissent, qui ont leurs propres connections. On doit simplement les mettre en capacité, les aider à déployer leur activité et leur réussite sur ce continent.
Notre intérêt, c’est aussi de jouer collectif avec nos alliés européens et de positionner l’Europe comme le partenaire de référence sur les grands sujets de défense et de sécurité. C’est le cœur même de ce que nous allons faire au-delà du pivot que j’évoquais tout à l’heure.
C’est la même chose que nous souhaitons faire en matière de financement des infrastructures africaines. C’est seulement avec ce levier que nous pourrons réellement jouer à armes égales dans la compétition avec d’autres acteurs. Plusieurs d’entre vous sont engagés dans ce secteur et je les en remercie avec beaucoup de sérieux. Mais c’est avec ce levier que nous pourrons convaincre nos partenaires africains d’adopter des standards auxquels nos entreprises peuvent travailler et produire des infrastructures de qualité que nous souhaitons promouvoir dans le cadre du G20. C’est la logique même de ce que l’Union européenne a fait avec le Global Gateway, puis que nous avons porté en G7 avec le Partenariat mondial pour les infrastructures et 600 milliards d’euros qui seront déployés d’ici 2027. Ce sont des leviers de financement massif, mais c’est aussi un cadre qui est celui du G20 que nous déployons qui est un cadre de sérieux, de soutenabilité, du financement public de ces infrastructures. C’est pour cela qu’il faut aussi voyager ensemble, parler ensemble, agir ensemble, et à chaque fois que nous avons mobilisé cet axe euro-africain, nous avons été à la hauteur de nos promesses.
Enfin, nous avons des atouts à faire valoir. La force d’innovation de nos PME, notre recherche et notre excellence scientifique, nos universités, notre formation militaire, nos artistes, nos sportifs, nos jeunes qui s’engagent dans le volontariat, et parmi eux, comme je le disais, nos diasporas. Chacun de vous ici se reconnaîtra dans cette liste.
Alors, la bonne nouvelle, c’est qu’au fond, c’est vous davantage que le Président de la République qui êtes attendus en Afrique et c’est le message qui a été très clairement donné au Sommet de Montpellier. C’est aussi le message que j’ai entendu partout en Afrique et encore en juillet dernier en dialoguant avec de jeunes camerounais. Plusieurs d’entre vous ont été à mes côtés. Tous ont la même interpellation. Où est la jeunesse française dans ce partenariat ? Où sont les écoles et les universités françaises ? Pourquoi les entrepreneurs français n’investissent-ils pas encore davantage ? Pourquoi l’équipe de France de football et les clubs français vont-ils jouer partout dans le monde, sauf en Afrique ? Pourquoi les musées français ne travaillent pas davantage avec nous ? C’est aussi pour ça que vous serez à mes côtés car seul, je n’ai pas les réponses à ces interpellations. Et donc c’est une réponse crédible, effective qu’il faut apporter et dans la durée. Et cette réponse nous l’apporterons et c’est aussi pourquoi je crois que ce que nous poursuivons depuis 6 ans est très important, pas simplement pour nos intérêts en Afrique et je le crois modestement aussi pour nos réponses à ce que sont les défis du continent africain. Comme ce que nous ferons par exemple à Libreville, on y reviendra sans doute dans les questions, sur la question climatique et biodiversité et les forêts. Mais je crois que c’est important pour la France. Nous réussirons ce nouveau partenariat si nous assumons la part d’africanité de la France. Le rôle et la place de nos diasporas. Et si nous assumons le fait que la France n’a plus de pré carré en Afrique, elle a des devoirs, des intérêts, des amitiés qu’elle veut bâtir, poursuivre, renforcer pour mener des politiques solides dans chacun des domaines que vous représentez ici.
Voilà le sens de ce déplacement et des efforts que nous allons conduire dans les 4 années à venir : assumer nos intérêts, les promouvoir, mettre en place des liens humains plus forts au cœur de ce partenariat, renforcer le lien avec les sociétés civiles et bâtir ensemble un agenda sur les questions climatiques, d’éducation et de santé qui sont bonnes pour nous tous. Des liens économiques, scientifiques, universitaires, culturels, sportifs.
Je n’ai pour ma part aucune nostalgie vis-à-vis de la Françafrique, mais je ne veux pas laisser une absence ou un vide derrière elle. Autant que moi et surtout au-delà de ma propre contribution, vous serez le cœur de ce partenariat et votre propre engagement donnera tout son sens au choix politique que nous avons fait avec notre Parlement de rehausser et sanctuariser cette politique de partenariat avec, là aussi, des financements inédits. Cette politique n’est pas une politique d’instrument désincarné, c’est une politique de solidarité, c’est une politique aus si pour les Français, c’est une politique qui doit nous permettre de trouver des partenaires, des alliés pour peser sur les équilibres du monde. Et c’est aussi pour cela, si nous réussissons cette politique, si nous réussissons en juin prochain ce sommet pour le nouveau partenariat entre le Sud et le Nord, que nous arriverons à conjurer ce grand récit qui est en train de s’installer, celui d’un double standard qui existerait entre l’Ukraine et le reste du monde, dont l’Afrique. Celui, au fond, d’une division, comme je le disais, entre l’Occident et le Grand Sud. Si on laisse s’installer ce récit ou en quelque sorte si on le documente, pour un pays comme le nôtre, ce sera terrible. Parce que, comme je le disais au début de mon propos, nous avons des destins liés par ce que nous sommes, par ce qu’est le peuple français, par ce qu’est notre géographie et notre avenir.
Je vous remercie pour votre attention. Je vais maintenant répondre à toutes vos questions. Peut- être d’abord prendre les questions de journaliste et s’il y a des questions de la délégation, j’en prendrai aussi, même si je compte surtout sur votre mobilisation.
Journalis te s
Bonjour Monsieur le Président. D’abord, je suis étonné de vous voir tenir ce discours ici à Paris et non pas à Ouagadougou, Dakar ou Kinshasa. Est-ce que la France a peur de parler aux Africains à partir du continent ? Ça, c’est une petite question, mais la grosse question est la suivante. La France défend ses valeurs, elle a notamment parlé de démocratie, de liberté. La France a souvent condamné l’intangibilité ou la violation de l’intangibilité des frontières. Est- ce que c’est le cas actuellement, rapport ONU et internationaux indépendants pour le Rwanda en République démocratique du Congo ? Le président Félix TSHISEKEDI, ce matin, à Genève, devant les droits de l’homme, a demandé des sanctions. Qu’attend la France pour passer, après avoir été en retard sur les autres pour condamner, qu’attend la France pour passer aux sanctions comme elle le fait avec la communauté internationale pour la Russie présente en Ukraine ? Merci beaucoup Monsieur le Président.
Emmanuel MACRON
Merci à vous. Pour ce qui est de votre première question, j’ai essayé d’y répondre dans mon propos introductif. Je souhaitais ici aussi, compte tenu de l’importance de cette politique pour la France, le faire depuis Paris aussi parce que je considère qu’on ne doit pas simplement parler de l’Afrique, de ce qu’on y conduit quand on est en déplacement en Afrique mais le faire en salle des fêtes à l’Élysée donne une solennité toute particulière et montre combien ce que nous conduisons est important pour notre pays.
La deuxième chose, c’est que c’est un peu une discussion « d’avant match ». Nous allons nous déplacer sur le terrain. C’est une bonne chose de mobiliser tout le monde et de partager les mêmes objectifs.
Troisième élément, j’étais il y a quelques mois au Cameroun, et ailleurs, j’ai discuté encore avec la jeunesse africaine et je continuerai de le faire. Donc rassurez-vous, ça ne va pas s’arrêter. Mais je pense que ce cadre était approprié au moment où nous nous parlons.
Pour ce qui est ensuite du Rwanda, d’abord, il faut nommer les choses. Nous assistons dans l’Est du Congo à une régression inacceptable. L’offensive en cours de la milice M23 sous sanctions du Conseil de sécurité est une guerre qui nous ramène 10 ans en arrière. Elle a des conséquences terribles pour les populations et je pense en particulier aux centaines de milliers de personnes déplacées à qui tout manque. Et la capitale de la région, Goma, est menacée. La première urgence est humanitaire et nous y travaillons avec nos partenaires européens. J’ai eu à plusie urs reprises et le Président TSHISEKEDI et le président Kagamé sur ce sujet. Je voudrais ensuite rappeler deux principes fondamentaux. L’Unité, la souveraineté, l’intégrité territoriale du Congo ne se discute pas. C’est notre position constante et cette position n’a pas changé.
Deuxièmement, il n’y a pas de deux poids, deux mesures. La guerre dans l’Est de la RDC ne doit pas être une guerre oubliée. Et c’est pourquoi j’ai passé autant de temps à parler avec chacun des acteurs, et surtout que notre politique est de soutenir sans relâche le cadre des discussions que le Kenya et l’Angola ont mis en place. Et j’ai pu d’ailleurs aussi échanger avec les deux présidents pour soutenir les médiations régionales qui se sont déployées. Nous avons d’ailleurs soutenu le déploiement des troupes kényanes dès qu’elles ont pu s’installer et nous en avons été, je dirais, à l’initiative diplomatique. Et j’ai encore parlé ces derniers jours au Président pour unifier les différents processus de médiation régionale. Je reste convaincu que la réponse doit être collective et c’est précisément le sens des entretiens que j’aurai aussi avec mes homologues avant de venir à Kinshasa.
Journaliste
Bonjour. Je me demandais : comprenez-vous qu’à quelques mois de l’élection présidentielle, ici au Gabon, avec un sentiment anti-France qui se propage en Afrique de l’Ouest et qui naît de plus en plus ici, que votre venue puisse susciter des réactions ?
Emmanuel MACRON
Je comprendrais si je venais faire un déplacement électoral à finalité strictement bilatérale ou politique. Mais nous irons précisément à Libreville pour faire ce en quoi je crois, c’est à dire une grande initiative internationale essentielle en matière de biodiversité, très cohérente à ce que nous avons défendu dans les COP successives y compris à Montréal, et de le faire dans un pays qui est concerné et que nous mettons en situation de leadership. Regardez ces dernières décennies, on a pris beaucoup de décisions pour les forêts. On les a prises dans beaucoup de capitales du Nord. Alors on peut continuer de décider de Montréal à Paris, l’avenir des forêts primaires qui se situent en Asie du Sud-Est, dans le bassin du fleuve Congo ou en Amazonie. Mais moi je trouve que c’est mieux de le faire avec les pays concernés chez eux. Et donc le sommet de Libreville, puisque c’est ce pour quoi je viens parmi vous avec notre délégation dans quelques jours, est un sommet essentiel sur les forêts pour lutter contre les déforestations, les dégradations, la perte de biodiversité, parce que la pression sur les forêts tropicales s’accroît. Et donc, fort de ce constat, de l’agenda international que nous avons bâti, nous avons choisi le Gabon. En organisant à Libreville ce sommet, nous avons souhaité valoriser la richesse des forêts africaines, encore trop méconnues du grand public, et associer d’ailleurs les autres pays du bassin du Congo qui jouent un rôle essentiel. C’est le premier poumon de la planète. Le bassin du Congo est celui qui séquestre le plus de carbone, devant l’Amazonie. C’est aussi un réservoir de vie qui s’étend sur plus de 240 millions d’hectares et qui contient des trésors inestimables de biodiversité. Il faut le dire, l’assumer, en être fier. Et ce que nous souhaitons faire, c’est créer aussi un modèle qui soit adapté à l’Afrique et qui ne vienne pas se plaquer sur le continent africain. L’objectif est à cet égard de rassembler ceux qui développent des solutio ns et les soutenir avec des scientifiques, des entrepreneurs, des associations, des chercheurs pour avancer. Le Gabon, par exemple, est un pays qui a su développer une politique de gestion forestière efficace en interdisant l’exportation de bois brut en 2010 et en favorisant une économie qui transforme localement, de manière durable et qui rémunère mieux sa population.
Donc l’objectif pour moi de ce sommet, c’est pourquoi j’assume pleinement de le faire maintenant comme on en a pris l’engagement à Charm el-Cheikh, c’est d’abord de mettre en place nos objectifs des différentes COP et surtout de réussir à valoriser le capital naturel dont ces économies disposent à profusion. Et c’est un des grands paradoxes, on sait rémunérer les reforestations dans nos modèles nationaux ou internationaux. Mais on rémunère très mal le fait de protéger ce qu’on a, et donc ces réservoirs de biodiversité. C’est ce que nous allons mettre en place, ce sera l’un des grands axes de ce sommet, fixer les paramètres d’un accord juste entre les pays forestiers et le reste de la communauté internationale, avec, entre autres, l’initiative Partenariat pour la conservation positive, qui se résume assez simplement. C’est un contrat entre un pays forestier qui s’engage à protéger sa nature et notamment les réserves les plus vitales de carbone et de biodiversité en échange d’un soutien plus important de la communauté internat io na le.
C’est tout cela que nous allons faire et c’est pour ça que je me rends présent dans votre pays et que je serai à Libreville. C’est le cœur de cet agenda. Et donc, on avance, on travaille ensemble. Je ne viens pas faire un déplacement électoraliste et d’ailleurs on parle à tout le monde, y compris aux opposants, et on continuera de le faire.
De la même manière, j’irai ensuite en Angola sur un sujet d’intérêt commun, la sécurité alimentaire, pour pousser l’agenda FARM que nous avons lancé dès le début de la guerre en Ukraine. On est le premier partenaire de formation agricole de l’Angola et donc c’est un partenariat de production qu’on va lancer et déployer. Nous irons ensuite au Congo Brazzaville pour honorer la mémoire d’un lieu de renaissance de notre politique avec l’Afrique et là aussi essayer de défendre ce nouveau cap que je viens de déployer ici et d’expliquer. Et puis nous nous rendrons en RDC pour parler là aussi des grands sujets d’intérêt commun : santé, partenariat économique, infrastructure, tech, mais aussi les mines, la culture et la défense, parce que nous sommes le premier partenaire de formation militaire de la RDC.
Journaliste
Monsieur le Président, vous avez évoqué la réorganisation du dispositif militaire français en Afrique. Vous avez parlé d’une présence qui sera moins visible. Pouvez-vous nous en dire un petit peu plus sur ce que vous entendez par une présence moins visible ? Est-ce que les effectifs vont être concrètement réduits ? Est-ce que vous allez fermer des bases ? Est-ce que vous allez procéder à des transferts de forces d’un pays à un autre ? Je voudrais vous demander également quelle est votre évaluation du groupe WAGNER en Afrique, est-ce qu’on peut craindre qu’il déborde vers d’autres pays que le Mali et la Centrafrique, ou le fait qu’il soit déjà très occupé en Ukraine, limite à court terme ce risque ?
Emmanuel MACRON
Alors la réorganisation que j’évoquais tout à l’heure n’a pas vocation à être un retrait ou un désengagement. Mais elle se traduira en effet par, si je puis m’exprimer ainsi, une africanisation ou mutualisation de ces grandes bases. Là où vous avez des bases, avec un dispositif posé parfois des centaines, voire des milliers de militaires français, vous aurez une réduction du nombre de nos militaires qui s’accompagneront d’une montée en charge de leurs partenaires africains, en fonction des besoins qui seront définis et précisés dans le cadre des travaux que le ministre aura à conduire avec le CEMA dans les prochaines semaines. Et donc ces bases ne seront pas fermées, mais elles seront transformées. Elles deviendront pour les unes des académies, pour les autres, des bases partenariales. Elles seront pour certaines rebaptisées. Elles vont changer de physionomie, de logique, d’empreinte et c’est ça qui est très important.
Pourquoi ? Parce que les bases telles qu’elles sont aujourd’hui sont un héritage du passé et elles sont, il faut être lucide, un prétexte pour beaucoup d’opposants de la France et parfois un prétexte pour ne pas régler les problèmes politiques sur le terrain. La France n’est pas une assurance vie au règlement des problèmes politiques des différents pays. Je le dis très clairement, et le rôle de la France n’est pas de régler toutes les situations en Afrique. Je le dis tout aussi clairement et humblement. Et à côté de ça, nous devons donc avoir une visibilité qui n’est pas la même. Parce qu’on l’a bien vu ces derniers mois et ces dernières années.
On a besoin que nos partenaires africains expriment leurs besoins sécuritaires et militaires, l’assument, nous le décrivent. Il faut que nous nous soyons au rendez-vous de ce qu’on doit faire, c’est pourquoi on restera, mais avec une empreinte réduite. Mais nous allons plus former, plus équiper et mieux accompagner, parce que ce sera sur la base d’une demande exprimée. Et donc, ces bases ne seront pas fermées. Pour ce qui est des principales bases, il peut y avoir des réajustements après les dispositifs en fonction du dialogue que nous aurons avec les uns et les autres et des besoins. Mais elles seront réaménagées et elles deviendront académies, bases conjointes.
Pour ce qui est de Wagner, c’est un groupe de mercenaires criminels. C’est ainsi qu’il est objectivement qualifié : l’assurance-vie des régimes défaillants ou des putschistes. Leur rôle et
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leur finalité est de protéger les régimes défaillants ou les putschistes, d’apporter qu’une réponse sécuritaire et d’avoir des comportements de prédation sur les mines, les ressources premières, voire des violences sur les populations, viols et autres. Tout ce que je dis-là était qualifié par des rapports successifs des Nations Unies et d’ONG. C’est ça le groupe Wagner. Donc, évidemment c’est une philosophie qui est aux antipodes de ce que nous défendons et nous portons. Je considère pour ma part que le rôle qui doit être le nôtre est d’apporter une solution crédible conformément à l’agenda que j’évoquais tout à l’heure. Ma conviction, c’est que les différents Etats africains y compris ceux qui se sont tournés vers cette solution de court-terme finiront par s’en passer parce qu’elle ne sème que le malheur là où elle se déploie.
Journaliste
Bonjour monsieur le Président. Vous avez commencé votre propos en disant que la compétitio n aujourd’hui sur le continent africain était anachronique, que c’était un vestige du passé tout en donnant dans votre discours, d’une certaine manière, le sentiment de vouloir participer à cette compétition. Vous dites : il faut assumer de dire que la France a des intérêts sur le continent africain, vous exhortez les chefs d’entreprise à aller se battre pour obtenir des marchés, etc. Est-ce que finalement votre positionnement aujourd’hui d’humilité affichée n’est pas une position pragmatique de dire, compte tenu du sentiment anti-français qui monte et qu’a évoqué notre consœur gabonaise il y a quelques instants, et compte tenu de la place qu’ont pris des pays comme la Chine ou la Russie dans cette région du monde, la France n’est plus en mesure aujourd’hui d’avoir une place de choix dans cette compétition ?
Emmanuel MACRON
Alors, pour qu’il n’y ait pas de malentendu, la compétition à laquelle je ne veux pas participer c’est celle de la logique de puissance et de déploiement militaire. C’est celle-là que j’évoquais au début de mon propos, celle qui consiste, au fond, à faire de l’Afrique un pré carré où, dès qu’il y a un problème, on le militarise. Et au fond, être présent, c’est déployer son armée et s’ingérer. J’assume totalement de défendre nos intérêts et de participer à l’offre éducative, agricole et d’être dans la compétition économique. Celle-ci est bonne, elle est pacifique. Elle propose des opportunités économiques et offre de l’avenir aux jeunesses africaines. Ce n’est pas la même. Donc il y a une cohérence dans ce discours et je pense que c’est d’ailleurs le fait même de toutes les puissances.
Ce faisant, c’est totalement pragmatique, vous avez raison, mais parce que j’essaie d’être lucide, il y a une déception à l’égard de la France. Et il y a une déception parce qu’on a peut-être trop laissé croire que nous étions seuls à régler en totalité la question du terrorisme sur le continent africain. Je m’honore du fait que dès 2013, nous ayons joué un rôle qu’aucun autre pays non- africains n’a jamais joué, aucun autre. C’est notre fierté et c’est pourquoi je me mettrai toujours en colère et m’indignerai devant les dirigeants, les journalistes et les opinions publiques qui attaquent la France sur ce sujet parce que nos enfants sont morts en Afrique pour lutter contre le terrorisme. Mais ce n’était pas la France toute seule qui pouvait lutter seule contre le terrorisme sur le continent africain. Et donc là, il y a eu une déception. Mais parce qu’il y a une forme de malentendu. Si les Gouvernements africains ne jouent pas leur rôle, si en quelque sorte, ils transfèrent tout à la présence militaire française, on n’y arrivera jamais. Et on a en effet trop laissé s’installer l’idée que la France était responsable de tout. Et donc, quand il y a une déception, assez logiquement, les gens reviennent vers nous en disant c’est votre faute. Non, ce n’est pas notre faute parce que ce n’est pas chez nous. Et c’est une réalité. Et donc cette humilité, c’est en effet du pragmatisme et c’est juste remettre les choses au bon niveau.
On a une responsabilité, parfois on accepte à la demande d’Etats souverains de s’engager parce qu’on considère que c’est notre intérêt et notre devoir, ce qu’on a fait en 2013 puisqu’on a continué, mais on n’est pas responsable de tout. Et cette logique est une logique impossible. Et donc cette déception, elle se nourrit de cela et j’assume totalement un pragmatisme qui est aussi un discours de vérité sur ce que peut faire la France. Mais ni la Chine ni la Russie n’ont été faire ce qu’on a fait. Elles n’ont jamais fait croire qu’elles pouvaient tout régler ni n’ont fait croire qu’elles allaient régler le terrorisme. Je pense que certains font des promesses impossibles en matière de financement qui vont se traduire par des catastrophes. On essaie de les prévenir. D’autres sont des promesses impossibles, mais même pas au peuple, à des juntes militaires au pouvoir pour les protéger. Après, il y a eu la manipulation derrière où plusieurs des grandes puissances ont utilisé ce contexte pour abîmer l’image de la France. Et donc il faut y répondre en agissant de manière très concrète, très pragmatique, en luttant contre les contre-vérités et en étant clair sur les objectifs qu’on poursuit et ce qu’on fait.
Journaliste
Monsieur le Président de la République, vous avez parlé du discours de Ouagadougou qui a abouti à un processus de réforme du franc CFA. Vous proposez même aujourd’hui de changer le nom et d’aller plus loin. Par contre, le franc CFA d’Afrique centrale n’a pas été réformé. Pensez-vous ou souhaitez-vous un processus de réformes de même nature que le franc CFA en Afrique de l’Ouest ? Et si je peux me permettre une petite question, c’est votre deuxième visite en Afrique centrale après le Cameroun. Est-ce à dire que l’Afrique centrale est la priorité de votre second mandat sur la politique africaine ?
Emmanuel MACRON
Alors pour votre deuxième question, c’est une région qui traverse des crises difficiles et je pense qu’il ne faut pas les écarter : elle fait face à des défis sur la biodiversité, le climat, des vraies crises sécuritaires, on l’évoquait, et en même temps une source d’opportunités extraordinaires sur laquelle je m’étais rendu durant mon premier mandat. Donc j’assume en effet cet accent tonique, si je puis dire. Après, j’ai souhaité me déplacer à travers tout le continent et y compris d’aller dans des pays, même si ça peut paraître surprenant où aucun Président de la Républiq ue français n’avait foulé le sol, le Kenya, imaginez. Et donc je continuerais à aller partout en Afrique, mais j’assume en effet ce point.
Sur la monnaie régionale, je suis totalement disponible et disposé à faire les mêmes avancées. Mais ça doit être l’initiative, la demande des acteurs, des autorités monétaires et des gouvernements de la région. Et évidemment, ça doit avoir un objectif qui est de renforcer l’autonomie et de maintenir la stabilité. C’est à eux de l’apprécier, de faire des propositions. Mais moi, j’ai toujours été au rendez-vous, en tout cas de la disponibilité pour ce faire, c’est ce qui avait conduit à cette réforme du franc CFA que j’avais menée lors de mon voyage en Côte d’Ivoire et qui nous avait permis de le conduire à ses évolutions. Mais il y a encore beaucoup à faire, comme je le disais, puisque derrière, il faut se saisir maintenant de cette ouverture parce que le sujet est dépassionné, ce qui était identifié comme des points bloquants. Et beaucoup de pays de la région peuvent s’en saisir. Donc, oui, pour le faire dans la région, c’est à la main des États et des autorités monétaires et financières.
Journaliste
Monsieur le Président. Vous allez entamer une étape à Brazzaville dédiée à la mémoire et à la culture. Je voudrais savoir si la question du collier du roi MAKOKO fera partie de vos échanges avec le président Denis SASSOU-NGUESSO ?
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. Il peut tout à fait en faire partie. Là, je dirais aussi c’est à sa main et comme je l’ai dit tout à l’heure, ça fait partie des sujets sur lesquels, là aussi, nous avons démontré notre ouverture, au-delà des approches au cas par cas où on souhaite structurer une politique d’ensemble. Donc en tout cas, moi, je suis prêt à en parler.
Journaliste
Monsieur le Président. Un partenariat militaire, ça se traduit comment concrètement ? Vous avez des bases militaires, celle de Djibouti qui est la plus ancienne dans la région. Est-ce qu’on va abandonner ce type de stratégie qui défendrait, je dirais, les intérêts militaires de la France et comment ? C’est-à-dire quelle est la stratégie à adopter effectivement pour souder et sceller de nouveaux partenariats avec l’Afrique ? Et deuxième question par rapport au Maroc, les relations sont tendues, voire compliquées en ce moment. Votre visite, qui a été programmée le mois d’avril prochain, on a appris que peut-être, elle sera annulée. Avec le voisin algérien, les relations ne sont pas meilleures. Malgré les améliorations récentes, ça va très mal.
Emmanuel MACRON
Merci de cette petite note d’espoir. Écoutez d’abord, ça me permet de préciser que Djibouti n’est pas dans le cadre des opérations que j’évoquais, compte tenu de la spécificité de cette base et du fait qu’elle est plutôt là dans le cadre de notre stratégie indopacifique et pas d’une stratégie Africaine. De manière très concrète, ça veut dire que sur les bases que nous avons par exemple en Côte d’Ivoire, au Sénégal où vous avez plusieurs centaines de militaires, voire des milliers , on va avoir une approche ou l’on se demandera : qu’est-ce qu’on veut faire ? De quoi avez-vous besoin ? Et en fonction de ça, former plus pour associer davantage de militaires africains, développer des bases à vocation régionale qu’on va peut-être positionner. Et nous, réduire notre emprise pour qu’il y ait une réponse aux besoins. Mais comme je le disais, renforcer la formation et avoir plus de militaires du pays, voire créer des hubs régionaux si c’est le souhait de ces pays, d’associer des partenaires dans la région.
Je prends un exemple très simple : pour lutter contre l’extension du terrorisme dans le golfe de Guinée et la sous-région, il y a une initiative dite initiative d’Accra qui est une très bonne chose. Si on veut la structurer, il faut que ces pays de la région travaillent mieux ensemble, qu’ils développent des cultures communes, militaires. On peut tout-à-fait imaginer que nos bases y contribuent en permettant de proposer aux partenaires de cette initiative d’Accra à plusieurs pays de venir y former ou y entraîner des militaires. Ce sera à eux de nous dire. La base du partenariat c’est que la demande doit venir des pays africains.
Vous me posez ensuite une question sur et le Maroc et l’Algérie. Un de nos grands écrivains qui a beaucoup écrit, plutôt sur l’Algérie que sur le Maroc, a beaucoup écrit sur Sisyphe. J’aime citer qu’il faut imaginer Sisyphe heureux. C’est le rôle d’un Président français quand il s’agit de la région. Ecoutez, moi, j’essaie de réengager avec le plus de sincérité possible les choses et de la même manière, c’est-à-dire de manière pragmatique, avec les sociétés civiles, dans un dialogue des deux rives, en actant que la France est sans doute le pays du monde où il y a le plus de diasporas maghréb ines. Et d’ailleurs, si le Maghreb est une réalité géopolit iq ue aujourd’hui, c’est sans doute en France qu’elle se précipite beaucoup plus que dans la région quand je vois les relations des uns avec les autres.
Alors ensuite, moi, ma volonté est vraiment d’avancer avec le Maroc. Sa Majesté le Roi le sait. Nous avons eu plusieurs discussions. Les relations personnelles sont amicales et elles le demeureront. Il y a après toujours des gens qui essaient de monter en épingle des péripéties. Les scandales au Parlement européen, les sujets d’écoute qui ont été révélés par la presse, est- ce que c’est le fait du Gouvernement de la France ? Non. Est-ce que la France a jeté de l’huile sur le feu ? Non. Voilà donc il faut avancer malgré ces polémiques. Mais enfin sans en rajouter. Parce que je pense que nos jeunesses, elles, ont besoin qu’on bâtisse des projets, qu’on avance. Quant à l’Algérie, je sais pouvoir compter sur l’amitié et l’engagement du Président TEBBOUNE. Nous avancerons là aussi.
Il y a eu une polémique sur le retour en France d’une franco-algérienne depuis la Tunisie avec aussi beaucoup de choses qui ont été racontées. Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ont intérêt à ce que ce qu’on fait depuis des années maintenant avec l’Algérie ne réussisse pas. J’ai un message très simple. Je vais continuer. Ce n’est pas le premier coup de grisou, j’en ai déjà eu, mais il faut continuer là aussi, humblement, pragmatiquement, on a fait un énorme travail sur la mémoire. On va le continuer avec nos jeunesses. On a fait un très gros travail sur le plan économique et militaire. Pour la première fois depuis 1962, nous avons eu en août dernier, en Algérie, une réunion avec les deux présidents, les ministres de la Défense, les chefs d’état- major. Le chef d’état-major algérien est venu pour la première fois depuis 1962 à Paris. C’est des signes. Il y a une jeunesse qui veut, en France comme en Algérie, qu’on fasse davantage sur la culture, sur le sport, sur l’économie qui veut des échanges universitaires renforcés, etc. Et puis après, sur la question aussi des mobilités, j’ai souhaité qu’on avance. La ministre de l’Europe et des Affaires étrangères a confié une mission sur la question des visas pour qu’on ait une politique plus claire, plus forte, parce que je pense qu’il faut assumer un discours sur ces sujets-là de lutte contre l’immigration clandestine et de responsabilité. Mais il ne faut pas que ça impacte les étudiants, les artistes, les familles qui ont leur destin partagé. Donc on doit mieux s’organiser, on va avancer. La période n’est pas la meilleure. Mais ça ne m’arrêtera pas.
Animateur
Merci à toutes et à tous. Nous arrivons au terme de cette conférence de presse.
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup Mesdames et Messieurs et merci pour toutes celles et ceux qui continueront avec moi en Afrique et merci à Libreville. Et je crois qu’il y a aussi le Rwanda, Kinshasa et Brazzaville qui sont avec nous.