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Natacha Ndokoyanga : « Bien manager une prison, nous les femmes aussi, pouvons le faire »

Publié le jeudi 9 mars 2023  |  MINUSCA
Natacha
© Autre presse par DR
Natacha Ndokoyanga : « Bien manager une prison, nous les femmes aussi, pouvons le faire »
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Natacha Clarisse Ndokoyanga Contrôleur pénitentiaire, régisseur de la Maison centrale de Bouar a participé à une formation du 2 au 3 mars 2023, à Bangui sur « Le rôle du personnel pénitentiaire féminin dans la gestion sécuritaire des prisons en République centrafricaine ». Organisée par la Direction générale de la sécurité pénitentiaire avec l’appui de la MINUSCA, en prélude à la Journée internationale des femmes, cette formation, à l’intention de 35 femmes, vise à optimiser la gestion des établissements pénitentiaires conformément aux standards nationaux, régionaux et internationaux en matière de sécurité et de traitement des détenus. Une formation qui a permis à Natacha de continuer à assurer ses fonctions avec plus efficacité, après son retour à Bouar dans la préfecture de la Nana-Mambere. C’est dans ce cadre qu’elle a accepté de répondre à nos questions sur les acquis de cette session et comment est-ce qu’elle met en pratique ces nouvelles connaissances acquises.

Interview réalisé par Grâce Ngbaleo

Natacha Clarisse Ndokoyanga : Je suis centrafricaine et formée à l’Ecole nationale d’administration et de la magistrature (ENAM), 2e promotion. J’ai totalisé déjà 14 ans de services. J’étais régisseur de prisons pour femmes auparavant. Après l'intégration on m'a affecté à Bozoum puis à Kanga-Bandoro comme régisseur, toujours dans la prison pour femmes et maintenant je suis à la Maison centrale de Bouar qui est une prison mixte. Au début nous étions 16 femmes formées en 2018, dans le but de travailler aux côtés des femmes détenues, et après il y a eu un problème d'effectif du personnel, raison pour laquelle j’ai été affectée dans une prison mixte.

QS : Qu’est ce qui fait votre particularité ?

R : J’ai opté pour ce travail par vocation, celle d’aider mes frères qui ont enfreint à la loi. Ma plus grande qualité reste le travail, le professionnalisme et la compétence.

On m'apprécie par rapport à ce que je fais sur le terrain. Gérer la prison ce n’est pas facile et de surcroît pour une femme. Gérer les hommes, les militaires, le personnel pénitentiaire, les détenus, les détenues femmes ainsi que les partenaires ; donc vous voyez on regroupe tous ces problèmes sur nous. Mais comme à l'école on nous a appris comment gérer, comment diriger, j’ai mis toutes ces compétences là en œuvre. Et aujourd’hui je suis fière de diriger une grande prison comme celle de Bouar. Car, bien manager la prison n’est pas réservé seulement aux hommes donc nous les femmes aussi nous pouvons le faire.

Q : En quoi consiste concrètement la gestion d'une prison ?

R : Quand on est régisseur, nous avons des attributions déterminées par le décret portant organisation et fonctionnement des établissements pénitentiaires. Un régisseur c'est le responsable principal de l'établissement, c'est lui qui coordonne toutes les activités au sein de l'établissement, il répartit les tâches avec ses collaborateurs, il a le contrôle de toutes les activités, y compris des détenus, du personnel, du matériel et de toutes les activités de réinsertion socioprofessionnelle des détenus au sein de l'établissement.

Q : Vous venez de prendre part à un atelier sur « Le rôle du personnel pénitentiaire féminin dans la gestion sécuritaire des prisons en République centrafricaine ». Qu’est-ce que cette formation vous a apporté de nouveau ?

R : Dans cette formation on nous a demandé la prise de conscience parce que souvent nos sœurs qui sont de la garde ne veulent pas monter la faction ; elles pensent que le travail de la sécurité relève seulement des hommes ; ce sont les hommes qui devaient faire les rondes, montés au mirador, or non ! Nous les femmes aussi, nous pouvons assurer ces tâches. Donc on doit occuper tous les postes, escorter les détenus monter au mirador et puis faire les rondes. Donc le travail de la sécurité, ça concerne tout le monde, ce n’est pas question des hommes et de surcroît c'est dans un milieu fermé, un milieu très sensible ; donc nous les femmes aussi nous devront mettre toutes nos compétences en œuvre pour aider nos frères qui sont à la détention afin de préparer leur future insertion socioprofessionnelle.

Q : Que faites-vous de ces connaissances acquises ?

R : Avec toutes ces connaissances acquises, moi j'ai pris l'engagement de travailler comme on nous a appris. On doit travailler, on doit respecter ce que disent les textes et puis on doit surveiller et contrôler toutes les activités au sein de la prison.

Q : Pouvez-vous nous parler de vos principales réalisations et des résultats obtenus ?

R : Vous savez, la prison c'est un lieu de rééducation et de formation. Auparavant les gens pensaient que la prison c'est un lieu de torture, quand tu pars à la prison c'est de la souffrance ; mais pour le moment la politique de l’Administration pénitentiaire c'est de développer la production pénitentiaire, de former les détenus. Donc au niveau de la maison centrale de Bouar, nous avons mis en place des programmes d'activités en faveur des détenus à savoir la fabrication de sacs à main, la fabrication des savons liquides, nous avons un atelier de menuiserie et nous avons aussi un programme d'alphabétisation, nous avons un poulailler au sein de la prison et pour le moment nous sommes en train de développer la pisciculture au sein de la Maison centrale.

Q : Et les résultats ?

R : Nous avons les détenus qui travaillent dans les ateliers, eux, ils ont une partie des retombées qu’on appelle souvent les pécules des détenus, prévus dans les textes. Donc on prend une petite partie pour le pécule des détenus, une partie pour le refinancement, soit pour acheter les matières premières et une partie pour le fonctionnement de la prison. Donc toutes les activités réalisées contribuent à l'amélioration des conditions de vie des personnes privées de liberté, permettent également d'éviter les cas de récidive et d'alléger aussi les charges de l'Etat.

Q : Quelles sont vos ambitions ?

R : Je voudrais retourner encore à l'école et puis faire des formations dans mon domaine. Aller dans d'autres pays pour de nouvelles expériences et venir les développer en République centrafricaine. Mon ambition aussi, c’est de voir mes frères détenus devenir de bonnes personnes demain et servir le pays.

Q : Dites-nous quelles sont vos habitudes ?

R : Sur le lieu de travail, j’effectue mon travail. Mais arrivée à la maison je dois aussi faire mes devoirs de femme de la maison. Laver les habits, éduquer les enfants, arranger tout, en un mot, m’occuper de ma petite famille. J’aime le sport et j'aime la vérité et la franchise. Je déteste l’hypocrisie et la manipulation.

Q : Quelle est la principale difficulté que vous avez rencontrée dans votre carrière ?

R : Conflit de compétence. Beaucoup d’hommes disent que toi femme tu ne peux pas nous commander, tu ne peux pas nous diriger, tu ne peux pas gérer une prison comme la Maison centrale de Bouar, que non toi tu es formée pour travailler à côté des femmes mais pourquoi aller travailler avec les hommes ?

: Si vous avez une anecdote à nous raconter ça sera laquelle ?

R : Une fois à Bouar, il y a un détenu qui s'est évadé. Donc quand je l'ai trouvé au niveau du marché j'ai fait une mise en scène. On était avec beaucoup de personnes en train de prendre un pot, et je me suis déplacée discrètement, quand j’avais aperçu le monsieur.

Je me suis cachée et puis après je l’ai suivi doucement. J’ai appelé mon élément de sécurité, je lui ai dit prends une menotte, prends la moto tu viens me trouver à tel endroit. Une fois arrivée, je lui ai donné la consigne de me suivre discrètement et de ne pas me devancer quand je me déplace ; donc c'est ce qu'on a fait et puis on a réussi à attraper le monsieur et à le ramener à la prison.
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