Ci-dessous le discours intégral du président de la République, Faustin Archange Touadéra, qui a présidé, ce mardi 25 avril 2022, l'édition 2023 de la Journée mondiale de lutte contre le paludisme. Une cérémonie couplée avec le lancement de la surveillance à base communautaire.
Chers Compatriotes ;
C’est avec un sentiment d’immense plaisir et d’agréable devoir, empreint d’une grande fierté que je préside ce jour du 25 avril 2023 la célébration de la Journée mondiale de lutte contre le paludisme édition 2023.
Cette année, la journée Mondiale de lutte contre le Paludisme a pour thème, je cite : « Il est temps de parvenir à zéro paludisme : investir, innover, mettre en œuvre », fin de citation.
Il s’agit d’un moment privilégié pour faire le point sur les progrès accomplis dans la lutte contre le paludisme assorti d’un bilan approfondi et de la remobilisation de tous les acteurs de la santé pour une lutte efficace contre le paludisme.
C’est aussi l’opportunité de rappeler à la population la gravité de cette maladie ainsi que les moyens de la prévenir, de la traiter et de la suivre.
La responsabilisation des individus, des familles et des communautés étant l’épine dorsale d’une lutte efficace et efficiente, j’ai voulu que cette célébration mette l’emphase sur l’engagement communautaire à travers deux actions emblématiques.
Il s’agit, en effet, du lancement de la Politique nationale de santé communautaire 2022-2030 et du lancement du passage à l’échelle des activités de surveillance à assise communautaire élargies au dépistage systématique et à la prise en charge précoce des maladies avec la pleine implication des leaders communautaires.
Ces deux mesures marquent un changement profond de paradigme dans la gouvernance du système de santé en République Centrafricaine en parfaite cohérence avec le principe cardinal des Objectifs du Millénaire pour le Développement (ODD) qui est de ne laisser personne de côté.
- Distingués invités ;
- Mes chers Compatriotes,
Dès mon accession à la magistrature suprême de l’Etat, j’ai fait de l’élimination du paludisme comme problème de santé publique, l’un de mes objectifs prioritaires dans le cadre des 10 domaines d’impulsion présidentielle pour l’accélération vers la couverture sanitaire universelle.
A cet effet, je me suis personnellement investi dans la mobilisation des ressources en l’occurrence auprès du Fonds Mondial de lutte contre le Paludisme, la tuberculose et le SIDA.
J’ai pris une part active et assidue à la conférence de reconstitution dudit Fonds avec une contribution de la République Centrafricaine à la hauteur d’un (1) million de Dollars américains par campagne sur deux campagnes consécutives.
Cela a permis à la République Centrafricaine de bénéficier d’un financement substantiel de 56.683. 815, 44 Euros, soit 37.249.522.713 FCFA pour la période 2017 à 2020 et de 67.082.360 Euros, soit 44.090.692.155 FCFA pour la période de 2021-2023.
A cela s’ajoute un apport non négligeable de la République Populaire de Chine en médicament anti-palustre, d’une valeur de 15 millions de Yuan soit un (1) milliard cinq cent millions de FCFA sur une période de cinq ans, de 2018 à 2021.
Grâce au Financement du Fonds Mondial, plus de 4 millions de moustiquaires imprégnées ont été distribuées entre 2017 et 2021.
Une nouvelle campagne de distribution est en cours. Plus de deux millions de personnes ont été traitées pour le paludisme chaque année depuis 2017.
- Mesdames et Messieurs ;
- Distingués invités ;
En dépit de cet investissement, nos performances en matière de lutte anti palustre demeure bien en deca des seuils requis par les normes internationales.
En République Centrafricaine, le paludisme sévit toujours sous une forme, épidémo-endémique.
Les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans sont les plus vulnérables et y paient le plus lourd tribu.
L’incidence en termes de nombre de nouveaux cas rapportés par an est d’environ 300 cas pour 1000.
Selon nos experts de la santé, le paludisme est le premier motif de consultation et d’hospitalisation de nos enfants de moins de 5 ans.
La mortalité intra hospitalière est en moyenne de 41% chez les patients de moins de 5 ans et 17% chez ceux âgés de 5 ans et plus.
L’incidence des épisodes de fièvre représente 30,8% au niveau national.
A l’analyse, ce tableau sombre résulte de la conjonction de plusieurs facteurs dont les principaux sont la faible utilisation et le faible accès aux services de dépistage et de prise en charge du paludisme.
La couverture insuffisante des ménages en moustiquaires imprégnés d’insecticides et l’insalubrité.
Seulement 31,6 % des patients fébriles ont accès aux services adéquats auprès d’établissement de santé ou de prestataires de santé qualifiés.
Par conséquent, près de deux tiers des patients fébriles n’ont pas accès à des soins appropriés, alors qu’il est fortement recommandé de rendre disponibles les tests de diagnostic rapides dans les ménages.
Le pourcentage d’enfants de moins de cinq ans testés au niveau des ménages est de 26,8% contre 100% recommandé par l’OMS.
Seulement 30,2 % des femmes sont couvertes par le traitement préventif intermittent contre 80% recommandé par l’OMS. A cela s’ajoute le faible taux de consultation prénatale évalué à 34,2%.
En 2019, la proportion de ménage possédant au moins une moustiquaire est de 60,7% contre 100% recommandée par l’OMS.
L’accès adéquat aux moustiquaires est de 44,8% contre 100% recommandé par l’OMS.
L’utilisation de la moustiquaire est de 49,9% contre 80% recommandé par l’OMS.
L’utilisation des moustiquaires par les enfants de moins de cinq ans est évaluée à 50,6% contre 80% selon OMS.
L’utilisation par les femmes enceintes est de 55,1% contre 80% recommandée par l’OMS.
L’insuffisance de la prophylaxie collective consistant en la suppression de gites larvaires par l’aménagement de l’environnement et l’assainissement crée des conditions de risques permanents.
Vu ces fossés considérables entre nos indicateurs et les cibles internationales, un changement de paradigme s’impose afin de satisfaire les conditions fixées par l’OMS pour le contrôle, la pré- élimination et l’élimination du paludisme.
Parvenir au contrôle de l’épidémie consiste à réaliser 80% de couverture de toutes les interventions nécessaires, à savoir :
• la lutte anti vectorielle qui comprend entre autres, la distribution des moustiquaires en masse ou en routine et l’assainissement du milieu ;
• les interventions spécifiques ciblant les groupes les plus vulnérables notamment les femmes enceintes, les enfants de moins de cinq ans et les enfants d’âge scolaire,
• la prise en charge des cas par le dépistage au moyen des tests rapides et le traitement selon les protocoles définis par l’OMS.
Pour passer du contrôle à la pré-élimination, la proportion des tests positifs doit être inférieure à 5%.
Cette proportion doit être inférieure à un cas pour 1000 habitants par an pour passer de la pré élimination à l’élimination.
Un pays est certifié pour l’élimination s’il atteint zéro cas de paludisme pendant trois ans d’affilé.
- Mesdames et Messieurs ;
Le thème de la Journée Mondiale édition 2023 à savoir « Il est temps de parvenir à zéro paludisme : investir, innover, mettre en œuvre », répond parfaitement à notre situation.
Il s’agit d’éliminer les inégalités et les disparités dans l’accès aux services de santé contre le paludisme.
Il nous faut passer ainsi d’un système de santé essentiellement axé sur le curatif et le dépistage passif des maladies à un système plus holistique, agile et proactif focalisé sur les personnes et les communautés avec la responsabilisation et la plaine participation de celle-ci.
C’est pourquoi j’ai décidé de mettre la communauté au centre de mes actions.
Tel est le sens de l’initiative d’Assainissement de salubrité, dénommée « KWA TI KODRO » que j’ai lancée le 10 septembre 2022 et qui est indispensable dans le cadre de la gestion de l’environnement et la lutte contre les maladies par la promotion de l’assainissement de base et de la salubrité de l’environnement.
Cette initiative repose sur l’organisation chaque samedi des actions d’assainissement du milieu par le désherbage, le débouchage des caniveaux et la gestion des déchets.
Chaque ménage, magasin, institution est appelé à assainir correctement son environnement de façon régulière sur toute l’étendue du territoire.
Le plan d’action 2023-2025 de l’opération KWA TI KODRO prévoit le renforcement des capacités des communautés à travers des formations et des dotations en petits outillages et matériels d’assainissement.
La stratégie de la surveillance à base communautaire lancée au fort de la crise de la pandémie à COVID-19 et qui a contribué efficacement au contrôle de cette pandémie a été renforcée pour inclure le dépistage et la prise en charge des maladies transmissibles.
Les Agents de Santé Communautaire assurent la recherche active des cas avérés ou suspect assortie du dépistage, le référencement des cas et le suivi des patients à domicile.
Nous avions initié un modèle de coordination multisectorielle et multidisciplinaire des activités communautaires basé sur la responsabilisation des autorités politico-administratives avec l’implication des leaders communautaires et religieux.
Distingués invités ;
Mes chers Compatriotes,
Cette Journée internationale me donne l’opportunité de réaffirmer ma détermination à relever ce défi majeur de santé publique qu’est l’’élimination du paludisme comme problème de santé publique par le lancement de la Politique nationale d’engagement communautaire et la mise en œuvre de cette politique sur l’ensemble du territoire en capitalisant sur les innovations nationales, à savoir la surveillance à assise communautaire et l’opération « KWA TI KODRO ».
«Il est temps de parvenir à zéro paludisme: investir, innover, mettre en œuvre ».
A cet effet, je lance les 10 actions clés pour l’accélération vers l’élimination à savoir :
1. Chaque ménage possède une moustiquaire pour deux personnes en bon état ;
2. Chaque femme enceinte est protégée par une moustiquaire ;
3. Chaque enfant scolarisé est protégé par une moustiquaire ;
4. Chaque ménage peut accéder au dépistage et au traitement en moins d’une heure ;
5. Chaque quartier et village pratique l’opération KWA-TI-KODRO ;
6. Chaque formation sanitaire publique ou privée dispose de tests de diagnostics rapides et de moyen de traitement ;
7. Chaque ménage mène des actions d’assainissement et de salubrité pour supprimer les gites larvaires ;
8. Chaque quartier ou village est desservi de façon continue par des agents de santé communautaire sous la responsabilité des autorités locales ;
9. Chaque quartier ou village dispose d’un stock de tests de diagnostic rapide et de médicaments ;
10. Les autorités locales, les élus du peuple, les leaders communautaires, les leaders religieux s’engagent et participent aux campagnes de sensibilisation, de dépistage et de traitement du paludisme.
Mes chers Compatriotes,
Le défi climatique lié au changement climatique auquel le monde entier fait face, rend également notre pays vulnérable aux maladies à potentiel épidémique.
Comme vous le savez, le paludisme reste et demeure la plus grande cause de mortalité en République Centrafricaine.
Plusieurs solutions efficaces sont à notre portée. Le changement de nos habitudes de vie est indispensable afin d'empêcher les moustiques de se reproduire sur nos propriétés et de s'introduire dans nos maisons.
Nous pouvons prendre des précautions simples pour nous protéger contre leurs piqures telles que l’utilisation des moustiquaires imprégnées.
Nous avons la possibilité de nous dépister et de nous soigner chez nous à la maison.
Ce faisant nous supprimons les retards au dépistage, causes de complications et de décès.
Je vous invite solennellement à dire avec moi : Oui, nous pouvons atteindre l’objectif de zéro paludisme. Si nous investissons ensemble, si nous innovons ensemble et si nous mettons en œuvre nos activités de lutte ensemble.
Pour terminer, je voudrais remercier nos partenaires pour leur appui sans cesse renouvelé en faveur de l’appui à l’engagement communautaire, de la santé et du bien-être.
Je tiens à remercier particulièrement le Fonds Mondial de lutte contre le Paludisme, la Tuberculose et le SIDA ainsi que ses récipiendaires principaux et sous-récipiendaires, en l’occurrence, World Vision, la Croix Rouge Française et le PAM.
Je réitère ma reconnaissance et mes encouragements au personnel de santé, aux agents de santé communautaires et aux leaders communautaires de tous ordres pour leur engagement.
Mobilisons-nous tous pour éliminer le paludisme !
Que Dieu bénisse la République Centrafricaine et son Peuple !
Je vous remercie.