Du cœur de Bangui à Bamako, le leader de Wagner Evgueni Prigojine a consacré ses derniers jours à une lutte pour préserver son royaume, d’après les informations fournies par le Wall Street Journal.
À quelques jours seulement avant le tragique accident de son avion, dans les régions nord-ouest de Moscou, le commandant de la milice Wagner poursuivait son tour du monde dans une tentative désespérée de préserver son avenir, tel que décrit dans un captivant article du Wall Street Journal. Le vendredi précédant son décès, Evgueni Prigojine avait mis pied à Bangui, la capitale de la République centrafricaine, pour discuter avec le président Touadéra et le chef des services de renseignements, Wanzet Linguissara.
Depuis le mois de juin et l’échec de la rébellion menée par l’homme de confiance de Poutine, une bataille sous-jacente avait pris place en Afrique et ailleurs entre le gouvernement russe et le chef de Wagner, l’objet du conflit étant le contrôle de l’entrelacs complexe et obscur du chef de guerre. D’après les renseignements divulgués par le journal américain, durant sa visite au palais présidentiel, Evgueni Prigojine aurait tenté de tranquilliser le dirigeant quant à la fonctionnalité de Wagner.
Le maître de la guerre aurait ainsi cherché à renforcer la confiance de son partenaire en assurant que leurs liens restaient solides, et en promettant d’apporter de nouvelles troupes et des investissements à leurs associés commerciaux en Afrique centrale, en dépit de la tentative avortée de rébellion… Cela, même après que Vladimir Poutine ait expressément demandé à son homologue de prendre ses distances. Sergueï Choïgou, ministre russe de la Défense et grand rival de Prigojine, aurait fait parvenir ce message à travers des délégations auprès des divers gouvernements des « pays Wagner » ; ce qui pourrait potentiellement expliquer les hésitations apparentes des putschistes nigériens.
Après sa rencontre avec Touadéra, Evgueni Prigojine aurait par la suite, d’après le journal, réceptionné à Bangui un chargement d’or en provenance du Darfour, apporté par cinq commandants des Forces de soutien rapide du Soudan, une milice soutenue par Wagner. Ce paiement aurait été en échange de la récente fourniture de missiles sol-air par Prigojine aux rebelles.
Selon un fonctionnaire soudanais cité par le Wall Street Journal, le chef de guerre se serait plaint en disant : « J’ai besoin de plus d’or ». Alors que Prigojine s’efforçait de calmer ses alliés, le vice-ministre de la Défense Iounous-bek Evkourov avait été envoyé par Moscou en Libye avec une délégation. Le mardi 22 août, à la veille du crash, il avait rencontré le général Khalifa Haftar pour négocier un partenariat entre leurs deux armées, étant donné que le militaire rebelle commençait à douter de la fiabilité de Wagner et souhaitait dorénavant traiter directement avec le Kremlin. « Poutine m’a affirmé que la Libye était d’une grande importance pour nous », avait déclaré Iounous-bek Evkourov à Khalifa Haftar. « C’est le premier pays Wagner que nous visitons. »
Par la suite, Prigojine aurait fait une escale à Bamako, au Mali, conformément aux enregistrements de vol d’un jet privé qu’il utilisait régulièrement pour parcourir le continent. Il se préparait à repartir pour son ultime voyage vers la Russie, mettant ainsi fin à une période d’activité intense entamée en juin, qui l’avait conduit du Moyen-Orient à l’Europe de l’Est en passant par l’Afrique, dans une quête infructueuse pour préserver son influence et ses gains.