La série noire continue pour la France en Afrique. Après le sursaut anti-français, au Mali, en République centrafricaine, au Burkina Faso et au Niger, c’est au tour du Gabon de se rebiffer contre son ex colonisateur. En mettant fin à des décennies, de règne absolu de la famille Bongo, du nom de son fondateur Omar Bongo, converti à l’Islam grâce au pétrodollars de Muammer Khaddafi, après avoir abjuré le catholicisme. Et allant même jusqu’à pratiquer la circoncision rituelle et épousant même une musulmane marocaine. Celle-ci, d’ailleurs, régna en maitresse absolue sur ce petit pays africain de plus de deux millions d’habitants et dont le sol regorge de pétrole et d’uranium. Car la sécurité présidentielle était toujours assuré par une équipe marocaine envoyée à l’époque par Hassan II qui sauva feu Omar Bongo d’un assassinat mené par des officiers putschistes.
Une mascarade démocratique, organisée par des experts français assura à l’époque la transition entre Bongo père et fils. Celui-ci a continué de régner en tyran absolu sur ce riche pays dont une large frange de la population vit dans une misère totale. Le fils Bongo est resté l’enfant chéri de la France avant qu’il ne se mette dans la tête de s’approcher de la Chine qui a d’ailleurs été la première puissance à réagir au coup d’Etat au Gabon et exiger que la sécurité de Ali Bongo et sa vie soient assurées.
Mais qui est donc derrière ce coup d’Etat, sachant que l’auteur qui n’est que le chef de sécurité de la présidence gabonaise, ne peut être qu’un proche de la France et peut-être du Maroc? La réaction française officielle nous révèlera si Paris est aussi jalouse de la « légalité démocratique qu’au Niger » !!
Les pions français tombent un à un
Comme dans un jeu d’échec, les pions de la France tombent un à un. Et le danger menace même le roi, qui n’est autre que la France ex pays colonisateur; mais surtout le principal soutien des régimes africains dans les pays dits francophones. En contrepartie de ce soutien, l’ancienne puissance coloniale avait continué à exploiter les richesses inouïes de ces pays. Et notamment le pétrole et l’uranium; sans parler du cacao, du bois et autres richesses minières.
Pour s’assurer sa mainmise totale sur ces pays, la France a crée les fameux réseaux de la Françafrique, dont le réseau Foccart fut un des plus redoutables en matière de complots et de coups d’Etat, et surtout de corruption et d’assassinats. La Françafrique existe toujours quoique sous une autre forme. Sauf qu’elle est devenue incompétente ainsi d’ailleurs que les services secrets français pour prévoir ou empêcher des coups d’Etat, comme récemment au Niger, mais bien avant, au Mali, au Centre Afrique, au Burkina Faso, et cette semaine au Gabon. A moins que les évènements qui vont suivre ne nous démontrent qu’ils sont encore capables d’opérer des coups d’Etat!
Il reste aux Français quand même le Cameroun, où le dictateur Baul Biya règne en maître depuis 1982. Mais aussi la Côte d’Ivoire, où Ouattara placé par les Français par le biais d’élections pseudo-démocratiques puisque son rival Gbagbo a été arrêté par les soldats français dont une garnison stationne dans la capitale ivoirienne sur une base aérienne et militaire. Il y a encore le Sénégal, le Benin, le Tchad, le Togo, mais qui connaissent tous la montée en puissance d’un sentiment anti-français. Pas besoin donc d’être un grand expert en stratégie pour pronostiquer que la vague de révolte anti-française va immanquablement s’étendre à ces pays. Lesquels ont tous ont subi le joug d’une exploitation éhontée de leurs richesses naturelles; sans pour autant bénéficier d’un développement adéquat.
Pour preuve, l’accord monétaire entre la France et quatorze pays africains pour imposer le franc CFA, prive ces pays de la souveraineté monétaire et les oblige à déposer plus de 50 % de leurs réserves auprès du Trésor français. Et c’est tout dire!
Ce sont les Chinois pourtant qui sont devenus le premier partenaire commercial de ces pays. Les sociétés françaises se sont empêtrées en plus dans des affaires de corruption des élites locales afin de maintenir la domination française. Ajouter à cela la poussée russe grâce aux légions Wagner qui jouent de plus en plus le rôle de gendarme aux dépens de l’armée française censée protéger les oligarchies locales.
La perte de la France n’est pas seulement d’ordre militaire ou économique, elle est aussi d’ordre diplomatique. Car la politique étrangère de ces pays était dirigée à partir du quai d’Orsay et procurait à la France un poids diplomatique important. Et ce, aussi bien au niveau de l’ONU qu’au niveau des organisations régionales comme la CEDEAO ou l’Union Africaine.
Ainsi, récemment, la France a usé de son influence pour imposer la décision de ’intervention militaire de la CEDEAO au Niger, suite au coup d’Etat. Intervention qui vite, a été presque mise en sourdine, en raison justement du désordre et de la déstabilisation générale qui auraient pu être générés par une guerre au Niger. D’ailleurs l’hésitation de la France à intervenir directement à Niamey pour protéger ses intérêts notamment l’uranium nigérien, a poussé ses alliés africains à faire marche arrière.
Après le coup d’Etat au Gabon, la situation est devenue encore plus claire. Et elle démontre que la France n’est plus une puissance capable d’imposer son ordre sur une partie du continent. Bientôt d’autres coups d’Etat viendront confirmer la fin de l’aventure africaine de la France. Et ils réduiront à sa juste valeur la supposée puissance de la France. Ce qui aurait des répercussions aussi sur sa place et son poids en Europe. Tout cela au grand bonheur des Américains qui occuperont vite la place vide laissée par les Français et surtout pour endiguer l’avancée russe et chinoise.
L’ami américain en embuscade
Depuis le congrès de Versailles en 1918, les USA ont toujours agi pour débusquer la puissance coloniale française et prendre sa place. La fin de la Seconde guerre mondiale et la libération de la France par le débarquement américain ont rendu la France dépendante dans sa défense du parapluie nucléaire et militaire américain. Et ce jusqu’au retour de De Gaulle qui a choisi de quitter l’OTAN et produire la bombe atomique française, pour assurer l’indépendance de la France par rapport à son principal allié. Jusqu’au président Chirac, la France a été jalouse de cette relative autonomie avant qu’elle ne retombe sous Sarkozy dans la dépendance à nouveau, puisqu’elle a réintégré l’OTAN.
Mais les Américains ont laissé faire les Français en Afrique malgré leurs déboires, jusqu’à l’apparition de cette nouvelle donne, qui est la poussée chinoise fulgurante sur le plan économique et l’interventionnisme militaire russe qui va de pair avec l’avancée chinoise.
Alors les Américains ont créé l’AFRICOM, dont le quartier général est installé en Allemagne et qu’ils voulaient installer à Tunis n’eut été le refus catégorique de feu Zine Al-Abidine Ben
Ali, on en connait la suite… Les Français pris de court (sous Sarkozy en 2011) ont été par la suite écartés au profit de l’ami américain. La même attitude s’est confirmée en Afrique, comme au Burkina Faso où après le coup d’Etat anti-français, les USA se sont empressés de négocier avec les nouveaux maîtres du pays une base militaire. Idem pour le Niger où ils ont nommé une nouvelle ambassadrice juste après le putsch. Il y a fort à parier que le Gabon est leur prochaine cible. C’est le principe de la théorie des dominos chère à Kissinger. Un pion français éliminé, un autre américain le remplace pour barrer la route au pion chinois ou russe. C’est la nouvelle guerre froide dont le foyer est l’Ukraine et les territoires, l’Europe et l’Afrique.
Bien sûr la propagande officielle occidentale comme pour l’Ukraine va nous abreuver avec sa langue de bois sur la démocratie et les droits de l’Homme. Comme si Dieu a donné aux nouveaux maîtres du monde la vocation divine de les défendre pour le bien des peuples du monde. De Biden jusqu’à Macron, le discours est le même; mais les vrais intérêts seuls décident de l’action à entreprendre. Comme l’a dit le ministre de la Défense américain, lors de l’intronisation du nouveau commandement de l’AFRICOM, l’Afrique est le terrain d’affrontement principal entre son pays et ses alliés occidentaux avec la Chine et la Russie. Juste une remarque, il avait placé la Tunisie notre pays du mauvais côté de la barrière, en raison « des droits de l’Homme et de la démocratie »… ; blabla…