L’heure est grave en République centrafricaine. Sous la barbe des forces étrangères foisonnant en République centrafricaine, Minusca, Sangaris, Eufor-Rca confondues, la population civile reste en danger permanent. Quatre kidnappings en moins de deux semaines à l’intérieur de la capitale Bangui par des Anti-balaka, alors qu’à l’intérieur du pays, ce sont les ex-Séléka qui dictent la loi au gouvernement qui tente de redéployer l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire, à travers les consultations à la base en cours.
Armel Ningatoloum Sayo, ministre de la jeunesse et des sports, kidnappé dimanche dernier en pleine capitale grise encore entre les mains des Anti-balaka. Alors que les missions de consultations à la base-projet de préparation du Forum de Bangui sont en panne, car les seigneurs de guerre de la Séléka, non seulement réclament à coups de canons le départ sans conditions des délégations des facilitateurs, mais menacent de mort ou prennent en otage les chefs des délégations. Abdallah Kadre Assane ministre des Finances est coincé par les éléments de la Séléka à Ndélé pendant que Eloi Anguimaté de l’Education nationale n’a pu se rendre à Kaga Bandoro du fait de la menace des éléments du FPRC de Nourredine Adam. A Bambari, Joseph Agbo des Mines a dû précipitamment plier bagages sans faire le boulot pour rentrer à Bangui à cause de l’UPC.
L’enlèvement du Ministre Sayo qui est le quatrième en moins de deux semaines à Bangui après celui de l’humanitaire française Claudia Prieste et du religieux Gustave Reosse le 19 janvier, ainsi que celui du personnel de la Minusca intervenu le lendemain, est suffisant pour mesurer le degré d’insécurité qui ne cesse de monter à Bangui. Le spectre des enlèvements récurrents crée une sorte de psychose généralisée qui ne dit son nom dans la capitale. D’ailleurs, dans un communiqué de presse du parti MLPC (Mouvement de libération du peuple centrafricain) du candidat à la prochaine présidentielle Martin Ziguélé, l’on pouvait lire une menace physique à l’encontre de ce dernier : « Par un communiqué présenté comme un droit de réponse à Martin ZIGUELE et rendu publique le 25 janvier 2015, sous la signature d’une prétendue Capitaine Joséphine Namséné d’une soit disant « Coordination militaire des Anti- Balaka », le Président du Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain (MLPC), candidat à la prochaine élection présidentielle a été violemment pris à partie suite au communiqué qu’il a signé en date du 18 janvier 2015 pour saluer l’arrestation et la remise à la justice centrafricaine du sieur Rodrigue NGAIBONA alias Andjilo soupçonné de crimes et délits divers contre d’innocents citoyens tant à Bangui qu’en province ». S’agissait-il d’un autre rapt manqué ? Ce qui est grave chez les Anti-balaka, c’est que leur Coordination générale qui s’est muée en parti politique, le PCUD, ne contrôle plus rien, à l’image de la discorde autour de la libération des deux otages religieux et présentement celle de Ningatoloum Sayo encore en captivité entre les mains d’une frange des Anti-balaka.
Ces situations, malheureusement se développent sous la barbe des forces internationales qui jonchent les artères de Bangui et de certaines villes de l’intérieur du pays avec tous les moyens dont ont besoin des forces de défense et de sécurité pour « assurer la protection des civils ». C’est une situation qui fait beau marché chez les groupes armés qui ne jurent que par la pêche en eau trouble ; tandis que le peuple lui, est pris en otage devant ses autorités politiques dépouillées de leurs armées au nom d’un pseudo embargo et qui n’ont que leurs larmes de crocodiles à verser sur le cadavre de leurs gouvernés. Dans un communiqué gouvernemental signé ce 26 janvier de Nicaise Karnou, Ministre de la Sécurité publique, tel le chien qui aboie au passage de la caravane, le gouvernement déclare : « Face à ces violences et menaces de nature criminelle, le gouvernement communique ce qui suit : les violences et menaces contre le peuple centrafricain et ses dirigeants ne resteront pas impunies. Leurs auteurs, co-auteurs et complices seront traqués jusque dans leur dernier retranchement ; les forces de sécurité sont mobilisées et mettront tout en œuvre pour garantir la quiétude et la sécurité du citoyen, avec l’appui des forces internationales ; une enquête judiciaire est d’ores et déjà ouverte par le Parquet du tribunal de grande instance de Bangui ; des lignes vertes sont ouvertes pour recevoir toute information sur les activités criminelles de ce groupe terroriste. Il s’agit des lignes téléphonies suivantes : 21 61 99 84, 21 61 14 13 et 118. »
Pire encore, les forces internationales qui ont le seul privilège de porter les armes se contentent des condamnations de principe tout autant que les autorités centrafricaines de la transition. Pour le cas Sayo par exemple, la Minusca dans un communiqué de presse publié le 26 janvier dernier déclare simplement : « La MINUSCA condamne fermement cet enlèvement qui survient après plusieurs actes de même nature au cours de la semaine écoulée. Elle exige la libération immédiate et sans conditions du ministre et la fin de telles pratiques criminelles qui sapent les efforts destinés à restaurer l’autorité de l’Etat, faciliter la réconciliation nationale et le retour de la paix ».
C’est ici le lieu d’apprécier la mise à l’écart des FACA dans la dynamique de sécurisation du pays, tant on sait que « la situation actuelle en RCA dépasse déjà les policiers et les gendarmes » comme l’a indiqué un diplomate en visite aux FACA du Camp Kassaï. Les forces étrangères elles aussi, ne maîtrisent plus rien, en témoignent ces nombreux rapts et tentatives d’enlèvements sous leurs nez. C’est en cela que se tient la lutte de Mme Marie Noëlle Koyara, Ministre de la Défense nationale, afin de convaincre les partenaires, notamment les Nations unies qui viennent, à contrario, de prolonger la durée de l’embargo sur les armes en direction de la RCA jusqu’au 29 janvier 2016 sur la nécessité d’armer rapidement les FACA qui se mobilisent en millier et régulièrement au Camp Kassaï.
Bangui, Fred Krock pour CNC