Depuis plusieurs années, en Centrafrique, un réseau mafieux de haut vol opère en toute impunité dans le pays, siphonnant des milliards de dollars grâce à des complicités au sommet de l’État. Ce système criminel, d’une envergure du jamais vu, repose sur la falsification de documents officiels, trahissant la confiance d’investisseurs internationaux et fragilisant l’économie nationale. Découverte d’un grand réseau d’escroquerie de l’or et de diamant à Bangui, une enquête exclusive CNC. Révélation.
Pendant près de cinq ans, un réseau criminel de grande envergure a opéré en toute discrétion au cœur de Bangui, dérobant des milliards de dollars grâce à des transactions frauduleuses d’or et de diamants. Cette enquête dévoile les rouages d’une arnaque orchestrée au plus haut niveau de l’État.
L’invitation du Chef de l’État : Une tactique de légitimation.
Une des méthodes les plus insidieuses utilisées par ce réseau criminel consiste à émettre des invitations officielles émanant du chef de l’État, Faustin Archange Touadéra alias Baba Kongoboro. Ces invitations, signées par le ministre d’État, Directeur de Cabinet du Président, Obed Namsio et sont accompagnées d’un message-porté signé du Directeur général adjoint de la Police centrafricaine en charge de l’Émigration-Immigration Bienvenu Paterne Guimalet et qui fait office d’un visa d’entrée et de séjour en Centrafrique.
En réalité, cette invitation n’était qu’un leurre destiné à légitimer l’arnaque. Les victimes, une fois à Bangui, étaient présentées à des individus se faisant passer pour des représentants du gouvernement ou des directeurs de coopératives minières fictives, les rassurant sur la sécurité de leur investissement.
Le mandat à une Française : Une pièce maitresse dans l’arnaque au diamant à Bangui.
Au cœur de cette arnaque se trouve Magali Gaétane Le Courtes, une française mandatée par une coopérative minière fictive, la Coopérative Minière de TAS-BORO (CM-TB). Ce mandat lui donnait soi-disant l’autorité de négocier et de vendre des lingots d’or sur le marché international. Le document officiel attribué à Mme Le Courtes, signé par des responsables du ministère des Mines, indique qu’elle était autorisée à représenter la coopérative dans toutes les transactions liées à la vente d’or. Ce mandat, bien que fictif, a joué un rôle décisif en donnant aux investisseurs l’illusion d’une transaction légale et sécurisée.
Les documents fournis aux victimes sont une pièce centrale de cette escroquerie. Ces factures montrent des transactions d’or évaluées à des millions de dollars, avec des poids et des valeurs totalement fabriqués. Par exemple, une facture émise par la Coopérative Minière de KAYA (CMK) pour 530 kilos d’or évalués à 37 100 000 USD montre à quel point ces documents étaient sophistiqués. Ces factures, destinées à rassurer les investisseurs sur la légitimité de la transaction, étaient accompagnées de documents officiels tels que des laissez-passer pour l’exportation de l’or, signés par des responsables du gouvernement.
Des coopératives minières inexistantes et des passeports usurpés.
Pour ajouter une couche supplémentaire de crédibilité à cette fraude, les auteurs ont créé des coopératives minières fictives, comme la Coopérative Minière de KAYA (CMK) et la Coopérative Minière de TAS-BORO (CM-TB). Ces entités n’existaient que sur papier et étaient utilisées pour justifier les transactions frauduleuses. De plus, les individus impliqués dans cette escroquerie ont utilisé de faux passeports pour se faire passer pour des représentants légitimes de ces coopératives.
Le passeport expiré en 2018 d’un certain Monsieur Ngueréfara Samuel, Opérateur Sport, a été repris sans modification des numéros, à l’exception des dates de fabrication et d’expiration, et a été émis au nom des sieurs Ngala Blaise et Fofana Patrick avec leurs photos. Cette situation démontre comment ces identités ont été usurpées pour maintenir les fraudes en cours. Bien que ces documents soient falsifiés, ils contiennent des détails très précis qui ont contribué à tromper les victimes.
L'une des copies du faux passeport du mafieux qui participe à l'escroquerie des investisseurs étrangers en Centrafrique
L’utilisation de documents officiels falsifiés pour soutenir l’escroquerie.
Les documents d’analyse des produits sont un autre élément clé de cette arnaque. Des rapports officiels émis par le Bureau d’Évaluation et de Contrôle de Diamants et Or (BECDOR) ont été manipulés pour indiquer des taux de pureté de l’or extrêmement élevés, tels que 96,21%. Ces rapports, accompagnés de feuilles d’exportation, faisaient partie d’un ensemble de documents soigneusement orchestrés pour convaincre les investisseurs que leurs transactions étaient non seulement légales, mais aussi très lucratives. En réalité, ces documents n’étaient qu’une façade pour une arnaque massive.
Feuille d’exportation de l’Or et Diamant de la coopérative KAYA
Le rôle des hauts fonctionnaires dans l’escroquerie.
Les documents que nous avons obtenus lors de cette investigation révèlent l’implication directe de plusieurs hauts fonctionnaires centrafricains. Le Directeur Général des Mines, Prince Kambale Charles, et d’autres responsables centrafricains ont signé des bordereaux de production, des factures, et des certificats d’exportation pour des transactions qui n’ont jamais eu lieu. Ces responsables ont utilisé leur position pour donner une apparence de légitimité à l’ensemble du processus, contribuant ainsi à arnaquer des milliards de dollars aux investisseurs internationaux.
Il y a également le chef de cabinet de Touadéra, le sieur Maleyombo, ainsi que son Directeur de cabinet, Obed Namssio, qui jouent un rôle primordial et décisif dans cette affaire. D’après nos investigations sur les précédents jeux, ces deux hauts responsables du régime sont chargés de recevoir, dans leur bureau et dans un restaurant chic de la capitale, tous les potentiels investisseurs invités une fois à Bangui.
Laisser-passer pour l’exportation de l’Or brut de la coopérative KAYA
Bordereau de production de l’Or de la Coopérative KAYA
Les conséquences désastreuses pour les victimes.
Les conséquences de cette escroquerie sont dévastatrices pour les victimes. En plus des pertes financières massives, beaucoup d’investisseurs se sont retrouvés piégés dans un système judiciaire complexe, cherchant désespérément à récupérer leurs fonds. Dans certains cas, les victimes ont même été menacées par les auteurs de l’arnaque lorsqu’elles ont tenté de dénoncer la fraude. Le réseau mafieux, soutenu par des membres influents du gouvernement, a réussi à échapper à la justice en raison de la complicité des hautes personnalités du régime, utilisant des tactiques de peur et d’intimidation pour maintenir le silence des victimes.
Protection des victimes et dénonciation des coupables.
Pour protéger les victimes de cette arnaque, les noms des entreprises impliquées ont été modifiés dans cet article. Cependant, les auteurs de cette vaste escroquerie, y compris les hauts fonctionnaires centrafricains et leurs complices étrangers, sont clairement identifiés pour que justice soit rendue. Le rôle de ces responsables est documenté avec précision, montrant comment ils ont abusé de leur pouvoir pour faciliter l’escroquerie devenue une arnaque internationale.
Une arnaque internationale à grande échelle.
Les preuves accumulées démontrent l’étendue de la corruption et de la criminalité en République centrafricaine, où des réseaux mafieux, protégés par le régime en place, ont réussi à arnaquer des milliards aux investisseurs étrangers. Ce système bien rodé, qui combine l’utilisation de documents officiels falsifiés, des invitations présidentielles, et des coopératives minières fictives, continue de prospérer, mettant en péril l’économie du pays et la confiance des investisseurs internationaux. La révélation de ces fraudes ouvre la voie à des actions nécessaires pour démanteler ce réseau et traduire ses responsables en justice, afin de restaurer l’intégrité du secteur minier en Centrafrique et protéger les futurs investisseurs.