Emirates renforce sa présence en Afrique avec une série d’initiatives stratégiques. Depuis le 27 octobre 2024, la compagnie aérienne a lancé un service quotidien entre Dubaï et Entebbe, augmentant ainsi sa capacité de 718 sièges par semaine.
Depuis le 27 octobre, Emirates accélère sur la ligne Dubaï-Entebbe. Fini les cinq vols par semaine : place à un service quotidien, opéré par un Boeing 777-300ER. À la clé, 718 sièges supplémentaires chaque semaine entre les deux villes. Mais l’enjeu va bien au-delà : ce renforcement connecte l’Ouganda à des destinations phares via Dubaï, comme le Canada, les États-Unis, l’Inde ou le Royaume-Uni. Une stratégie claire pour capter une demande toujours plus forte sur cette route clé. Et ce n’est qu’un début.
Dès janvier 2025, Emirates intensifiera ses opérations sur le continent africain. La compagnie aérienne, basée à Dubaï, introduira un vol quotidien supplémentaire vers Addis-Abeba, suivi d’un quatrième vol quotidien vers Johannesburg dès mars. Avec ces nouvelles fréquences, Emirates assurera 161 vols hebdomadaires entre Dubaï et ses destinations africaines, continent que le géant de l’aviation a desservi
Avec une présence directe dans 22 destinations africaines et un chiffre d’affaires de 2,5 milliards de dollars en 2023-2024 , en hausse de 7,6 % par rapport à l’année précédente, Emirates fait de l’Afrique qui représente 7,7 % du chiffre d’affaires global de la compagnie, un pilier clé de sa stratégie mondiale.
Malgré les défis opérationnels sur le continent, Emirates continue d’investir dans un marché en pleine mutation, où l’urbanisation, l’expansion de la classe moyenne et l’intensification des échanges commerciaux génèrent une demande croissante pour des solutions de transport aérien fiables.
Dubaï : hub stratégique et carrefour des affaires
Dubaï, siège d’Emirates et hub incontournable, joue un rôle central dans cette ambition. Situé au carrefour des grandes routes aériennes, l’aéroport international de Dubaï (DXB) a accueilli environ 87 millions de passagers. Certaines projections anticipent même que le trafic annuel pourrait atteindre 92 millions de passagers, ce qui serait un nouveau record pour l’aéroport. Parmi eux, un nombre croissant de voyageurs africains — 5 %, soit 3,3 millions de voyageurs en 2022 — transitaient par Dubaï pour rejoindre l’Europe, l’Asie ou le Moyen-Orient.
Mais Dubaï est bien plus qu’un simple point de passage. Avec des échanges commerciaux atteignant 70 milliards USD entre l’émirat et l’Afrique en 2022, Dubaï est devenu une plateforme majeure pour les entreprises et investisseurs africains. Environ 686 000 touristes africains ont visité la ville l’année dernière, tandis que 2024 devrait voir ce chiffre augmenter.
Ces flux renforcent l’importance de l’émirat non seulement comme un centre logistique, mais aussi comme un hub économique pour les entreprises africaines cherchant à s’intégrer aux marchés mondiaux. Les emblématiques Airbus A380 de la compagnie, déployés sur certaines routes africaines comme Johannesburg et Casablanca, illustrent cette volonté d’adapter son offre à la demande croissante.
Une croissance alimentée par des partenariats
Sur un continent où les infrastructures aériennes sont souvent insuffisantes, Emirates mise sur des partenariats stratégiques pour étendre sa portée. La compagnie a signé des accords de partage de codes avec South African Airways, Tunisair, Royal Air Maroc(RAM), Air Mauritius, et Airlink, qui lui permettent de couvrir une cinquantaine destinations supplémentaires en Afrique. Un partenariat interligne avec Kenya Airways et Africa World Airlines (AWA) facilite également les connexions vers des hubs régionaux comme Nairobi et Accra.
Au total, sur le continent, Emirates étend ses ailes bien au-delà de ses propres lignes. Grâce à 5 accords de partage de codes et 18 partenariats interlignes, la compagnie ouvre l’accès à plus de 210 destinations régionales. Grâce à son partenariat interligne avec la compagnie sud-africaine Cemair, Emirates étend son réseau vers des destinations locales prisées comme Margate et Plettenberg Bay, connues pour leurs attraits touristiques. En Zambie, un accord similaire avec Pro Flight Zambia ouvre les portes du parc national du Lower Zambezi, offrant aux voyageurs une expérience safari unique.
Une stratégie qui simplifie la vie des voyageurs : un seul billet, une gestion des bagages sans accroc, et des correspondances fluides, même dans les coins les plus reculés du continent. L’idée est claire : connecter l’Afrique à tout, partout, sans jamais perdre de temps.
“Par ces accords, les clients d’Emirates peuvent se connecter sur certaines routes du réseau de ces compagnies locales, ce qui ouvre ainsi de nouvelles destinations africaines pour les clients d’Emirates”, explique un expert du secteur aérien.
Ces partenariats permettent à la compagnie détenue par l’Investment Corporation of Dubai (ICD), le fonds souverain de l’émirat, de contourner les obstacles liés à la faible connectivité intra-africaine. Selon l’Association du transport aérien international (IATA), seulement 34 % des liaisons possibles entre les 54 pays africains sont actuellement exploitées, forçant de nombreux passagers à transiter par des hubs étrangers, notamment à Dubaï, Doha, Istanbul, Bruxelles ou Paris. Cette dépendance entrave le développement des échanges intra-africains.
Mais sa stratégie va bien au-delà des accords : Emirates veut bousculer l’ordre établi.
Face aux mastodontes historiques comme British Airways ou Air France, longtemps maîtres des cieux africains, Emirates joue la carte de l’innovation et de la proximité. Là où ses rivaux se reposent sur leurs routes classiques et leurs positions historiques, la compagnie de Dubaï s’allie à des acteurs locaux, s’implante là où on ne l’attend pas, et propose une connectivité sans précédent. Résultat : une offre qui redéfinit les standards et force ses concurrents à revoir leurs plans. Sur un continent où la concurrence aérienne se fait de plus en plus féroce, Emirates montre qu’il n’a pas l’intention de voler à une altitude inférieure. Et d’ailleurs, sur son segment fret en plein essor, la compagnie dubaïote se muscle.
Le fret, un levier stratégique
Le fret aérien reste un pilier de la stratégie d’Emirates. Sa division cargo, Emirates SkyCargo, a transporté 2,2 millions de tonnes de marchandises dans le monde au cours de l’exercice 2023-2024, une part significative provenant d’Afrique. Entre juin 2019 et mai 2024, plus de 48 000 tonnes de marchandises ont transité par le Maroc, principalement à destination et en provenance de l’Europe et du Moyen-Orient. En Afrique du Sud, des corridors logistiques reliant Johannesburg, Le Cap et Durban soutiennent l’exportation de produits agricoles et industriels. Emirates prévoit d’ajouter huit vols cargo hebdomadaires exclusivement dédiés à l’Afrique d’ici fin 2026, afin de renforcer les échanges commerciaux sur le continent.
La montée en puissance du commerce électronique, qui devrait afficher une croissance annuelle de 25% en Afrique, supérieur à la moyenne mondiale de 15 % selon un dernier rapport de McKinsey & Company, ouvre également de nouvelles perspectives pour Emirates SkyCargo. La compagnie investit dans des solutions sur mesure pour répondre à la demande croissante en logistique rapide et fiable.
Un marché complexe mais prometteur
Malgré ses ambitions, Emirates opère dans un contexte africain qui reste complexe. Moins de 10 % des aéroports du continent sont capables d’accueillir des appareils de grande capacité comme l’A380. Les coûts opérationnels, incluant des taxes élevées et le carburant cher, limitent la rentabilité des routes. En outre, les infrastructures vieillissantes et les réglementations fragmentées compliquent les opérations aériennes.
Cependant, les perspectives restent prometteuses. Selon l’Association du transport aérien international (IATA), le trafic passagers en Afrique devrait presque doubler d’ici 2035, passant de 134 millions en 2022 à 263 millions. Avec une croissance annuelle moyenne estimée à 5,1 %, cette progression sera soutenue par l’urbanisation rapide, l’expansion de la classe moyenne et le développement des échanges intra-africains. Toutefois, cette dynamique s’accompagne de défis structurels : des infrastructures aéroportuaires insuffisantes et une réglementation parfois contraignante freinent encore le plein essor de ce secteur stratégique.
Pour les Emirats, ces défis représentent autant d’opportunités. Le Marché unique du transport aérien africain (Mutaa), soutenu par l’Union africaine, pourrait transformer la connectivité régionale. “En harmonisant les réglementations et en facilitant les vols transfrontaliers, ce projet offrirait à Emirates et d’autres compagnies qui opèrent sur le continent un cadre favorable pour intensifier leurs collaborations locales et explorer des routes intra-africaines encore peu exploitées”, explique un consultant.
L’Afrique représente également un terrain fertile pour l’expansion des investissements étrangers. Entre 2012 et 2022, les Émirats arabes unis (EAU) ont renforcé leur présence en Afrique, en devenant le quatrième investisseur sur le continent, avec des engagements total de 60 milliards de dollars, notamment dans les infrastructures, l’énergie et la logistique. En septembre 2023, ils ont annoncé un investissement de 4,5 milliards de dollars dans les énergies propres en Afrique. Emirates, en connectant les marchés africains aux centres financiers de Dubaï, agit comme un levier pour attirer ces capitaux. Selon une étude de 2018 par Infomineo, Dubaï abritait 45 sièges régionaux de multinationales pour le Moyen-Orient et l’Afrique, contre seulement 26 en Afrique. De plus, le nombre d’entreprises africaines enregistrées auprès de la Chambre de commerce de Dubaï a atteint plus de 32 000 à la fin de 2022.