Alors que depuis le 25 novembre on observe les 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre, la situation des victimes de violences sexuelles reste alarmante en République centrafricaine. Des femmes, comme Zara, luttent non seulement contre les traumatismes des violences qu’elles ont subies, mais aussi contre l’impunité qui persiste parce que leurs bourreaux deviennent de plus en plus puissants.
Cinq ans après avoir été violée, Zara (nom d’emprunt), victime de violences sexuelles de guerre, attend toujours que justice lui soit rendue. En 2019, elle a été agressée sexuellement dans le quartier commercial de Pk5 dans le 3ème arrondissement de Bangui – violée à côté du corps sans vie de son fils, tué par ses mêmes bourreaux. Depuis lors, Zara vit dans l’angoisse et l’humiliation, appelant aujourd’hui les autorités et la communauté internationale à lui rendre justice.
« Lui et ses complices m’ont violée »
Rappelant ce moment douloureux, Zara se remémore encore du viol qu’elle a subi.
« C’est devant mon mari et moi que mon fils a été tué. Traumatisée, j’ai voulu venger sa mort. J’ai poursuivi l’assassin, qui est un membre d’une bande armée de « Force » [Force, décédé en 2019, fut leader d’une bande armée qui a régné pendant plusieurs années au Km5 après le régime de la Séléka]. Quand il m’a vue arriver, il m’a dit en Foulata : « C’est la mère de l’enfant que j’ai tué, mais ce qu’elle cherche, elle va le trouver ». Il m’a frappée, je suis tombée. Lui et ses complices m’ont violée, et j’ai perdu conscience jusqu’à ce que des voisins viennent m’aider », raconte-t-elle.
Des bourreaux devenus militaires
Depuis cet acte brutal, Zara n’a cessé de réclamer justice car elle côtoie toujours ses bourreaux qui, selon elle, sont enrôlés dans l’armée. « J’ai porté plainte, mais cinq ans après, aucune justice n’a été rendue », déplore-t-elle, indiquant qu’« aucun procès n’a eu lieu. Personne n’a été arrêté. Les coupables continuent de vivre librement dans le quartier comme si rien ne s’était passé », s’offusque cette dernière.
La stigmatisation qu’elle subit au quotidien dans son propre quartier empire la situation. « Je vis dans la honte. Je suis stigmatisée, on me traite comme une femme sans honneur. Ce n’est pas facile de voir ceux qui m’ont fait du mal se pavaner en uniforme. Cela montre bien qu’il n’y a pas de justice dans ce pays », désespère Zara.
Malgré la douleur et la stigmatisation, Zara reste déterminée à faire entendre sa voix. « Je n’ai pas perdu la vie, mais j’ai perdu mon honneur. Je veux que les responsables de ce crime paient pour ce qu’ils m’ont fait. Pas seulement pour moi, mais pour toutes les femmes qui souffrent en silence et qui n’ont pas de voix. »
Un espoir fragile sur la justice
La déception de Zara est palpable. « Nous portons plainte, mais personne ne nous entend. La justice n’arrive pas, et nos bourreaux continuent de vivre comme si de rien n’était ». Elle appelle les autorités nationales et internationales à prendre des mesures concrètes pour que les auteurs de violences sexuelles en RCA soient enfin traduits en justice.
Cette lutte pour la justice s’inscrit dans un contexte plus large, où de nombreuses victimes de violences sexuelles en République centrafricaine vivent dans l’impunité alors que certains bourreaux réussissent à se faire enrôler dans l’armée.